Masculins singuliers
La Leçon d’élégance, Collectif, Séguier, 370 p., 23,90€
Qu’est-ce qu’un homme élégant ? La chose ne s’explique pas mais on pourrait dire, peut-être, que c’est un homme qui a l’allure de Cary Grant, qui joue au tennis comme Federer, qui s’habille comme Bryan Ferry, et qui écrit comme Frédéric Berthet. À moins qu’on pense à l’élégance type Prince Charles, surannée, naturelle, légèrement maladroite et paradoxalement supérieure ? Ou à celle de Barbey d’Aurevilly, altière, dandy, rococo, fofolle… Quatorze auteurs ont écrit quinze portraits : ceux des personnages suscités mais aussi d’autres, plus secrets (David Rochline), voire inattendus (Lemmy Kilmister). Le casting des auteurs est excellent, ne serait-ce que parce qu’il inclut quelques plumes connues de nos services, Patrice Jean, Benoît Duteurtre, Matthieu Jung (texte de haute volée sur Roger F.), Frédéric Schiffter. Le livre, lui, est plaisant, avec un côté hétéroclite, inégal, désinvolte, humoristique et sérieux, à la fois Lui et The Spectator, Bains-Douches et Club anglais. Dans notre époque avachie, clinquante et moutonnière, où personne ne porte plus de chapeau ni ne sait la diction, il fera figure de manuel de survie, de grimoire magique et de signe de ralliement puisque, comme l’indique bien la quatrième, « l’élégance masculine est à la fois un mystère et une résistance ». Jérôme Malbert
En retrouvant Giono
Un Roi sans divertissement, Jean Dufaux et Jacques Terpant, Futuropolis, 56 p., 17 €
Projet très ambitieux que celui de condenser en une BD l’univers si poétique et si riche de Giono. Jean Dufaux et Jacques Terpant retranscrivent fidèlement l’intrigue d’Un Roi sans divertissement : on retrouve un Langlois énigmatique, les scènes cruciales, les non-dits qui entretiennent le mystère, la fascination pour le sang. Le lecteur est plongé dans un système de narration intéressant : Giono rencontre une proche de Langlois, une de celles qu’il fascinait, et celle-ci invite l’écrivain à entrer dans ce récit comme spectateur d’une pièce de théâtre. Avec un découpage en plusieurs actes, le rythme est donné : nous assisterons au face à face entre Langlois et le tueur présumé, cet « homme sans histoire » ; au duel Langlois et le loup puis Langlois face à lui-même et son ennui. Les images de montagnes et de loups ne sont pas sans rappeler Le Loup de Jean-Marc Rochette, le coup de crayon de Terpant est pur et sûr. Pour autant, on pourrait reprocher un trait trop réaliste, une certaine raideur qui paraît éloignée du monde si charnel de Giono. On aurait rêvé davantage de flous où dilater l’imagination du lecteur. Malgré tout, en refermant l’ouvrage, le désir de se (re) plonger dans l’univers de Giono est intense. […] Jeanne Battesti
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