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A Raphaël Enthoven

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Publié le

3 octobre 2019

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Bien sûr, il vous a fallu une bonne dose d’honnêteté pour venir ce samedi à la Convention de la droite, bien sûr, mais il vous a surtout fallu du courage pour affronter ceux dont vous garantissez la victoire parce que vous prédisez notre défaite, tant d’aucuns sont même allés jusqu’à vous reprocher après coup d’être venus nous dire nos quatre vérités en face.

 

Vous êtes venu parler honnêtement, certes, mais nous aurions aussi aimé que vous veniez parler avec subtilité afin d’augmenter un peu notre intelligence et que tout cela ne se soit pas réduit à un effet de communication gagnant/gagnant qui, vous comme nous, nous a finalement fait perdre du point de vue de l’intelligence et de celui assez malmené de la politique.

 

D’emblée, vous avez refusé le débat pour réclamer une tribune, arguant que la cacophonie des arguments qu’on s’envoie à la figure empêche de dire quoi que ce soit qui puisse être entendu. Nous étions quelques uns à trouver votre demande légitime. Venir en terrain conquis par ceux auxquels on s’oppose alors qu’on est a priori l’ennemi de tous à cet endroit ne peut avoir d’intérêt qu’à la condition stricte que la parole soit audible. Dire l’inverse, a priori, eut été malhonnête. Chez nous – puisqu’il faut bien parler en terme de « vous » et de « nous » – on se plaint souvent d’être privé de débat, mais c’est hélas aussi souvent parce que le débat, nous le craignons puisque que nous ne sommes pas même prêts à écouter ce que disent nos adversaires qui, s’ils sont d’après vous destinés à gagner pour toujours, ne sont pas forcément idiots tout le temps. Il est donc heureux que vous soyez venu et heureux que l’on vous ait donné ce que vous demandiez, a priori.

Pour le coup, c’était de la maïeutique en acte, mais j’ai peur qu’on ne puisse en tirer grande leçon car, aussi vrai que l’homme n’est pas qu’un morceau de matière animé nerveusement, il est aussi un animal. À force de le provoquer, on finit par réveiller la bête en lui, et la bête c’est le contraire de l’intelligence, elle se recroqueville et se protège quand on l’attaque.

A posteriori, en revanche, on peut regretter que vous n’ayez eu qu’une tribune et que vous n’ayez pu débattre. En effet, si celle-ci a bien commencé, si vous y avez développé des arguments intéressants comme celui, entre autres, concernant certaines lois qui selon vous deviennent irrévocables lorsqu’elles accroissent les libertés, assez vite, la tribune a tourné à l’invective polie pour la plus grande satisfaction de vos amis j’imagine et celles de certains des nôtres qui ont pu donner libre cours à leur mentalité de racaille en vous insultant bien au chaud dans la salle, ravis d’agonir anonymement. L’image était intéressante d’ailleurs dans la mesure où elle montrait mieux que n’importe quelle démonstration que la racaille, on la rencontre un peu partout, y compris chez les gens qui détestent les racailles quand elles s’habillent en survêt ou qu’elles sont d’origine africaine. Pour le coup, c’était de la maïeutique en acte, mais j’ai peur qu’on ne puisse en tirer grande leçon car, aussi vrai que l’homme n’est pas qu’un morceau de matière animé nerveusement, il est aussi un animal. À force de le provoquer, on finit par réveiller la bête en lui, et la bête c’est le contraire de l’intelligence, elle se recroqueville et se protège quand on l’attaque.

 

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Pour le coup, si la majorité des gens dans cette assemblée que vous avez copieusement traités d’idiots, de perdants, de lâches et de mauvais français, en mélangeant vérités (Oui ! on est un meilleur patriote quand on regrette et se désole de Vichy que lorsque l’on cherche à réhabiliter l’infâme, oui encore celui qui s’examine et reconnaît ses torts se grandit) et approximations sur l’identité et la souche, par exemple, condamnée à mourir lors que celui qui cherche une souche rêve toujours de l’arbre sur laquelle il poussera ; si l’assemblée donc n’a pas trop mal réagi voire vous a même applaudi quand, selon elle, vous le méritiez, il est probable qu’elle ait fermé les écoutilles de son intelligence.

 

Quel dommage alors que vous n’ayez pas pris la peine d’instiller le doute dans nos convictions plutôt que d’en faire la caricature, tant et si bien qu’en vous écoutant je me demandais si vous aviez jamais lu notre magazine (chose qu’il faudra réparer en vous offrant un abonnement.) Quel dommage encore que nous puissions nous féliciter de vous avoir accueilli et que vous puissiez faire de même en vous disant que vous n’avez rien lâché, que nous ayons gagné tous les deux alors qu’il eut été préférable que nous puissions perdre chacun pour que chacun alors nous commencions à réfléchir.

Durant votre discours vous dites que la prochaine fois que vous vous adresserez à nous ce ne sera plus du haut d’une tribune mais pour aborder concrètement les thèmes et les thèses auxquels nous nous opposons et que vous défendez ; cela serait heureux car sans quoi, Raphaël Enthoven, il se pourrait bien que, malgré ou à cause de vos prévisions, vous soyez surpris par la défaite de votre camp et que nous soyons amèrement déçus par notre victoire.

Le but de cette Convention n’était pas, n’en déplaise à nombre de médias qui aimeraient y voir une espèce de meeting débile, d’avoir raison ensemble, mais de discuter ensemble et par là aussi de discuter avec nos adversaires dans la mesure où la politique au sens noble du terme revient d’abord à créer un espace commun qui puisse nous sortir de l’enfer apocalyptique où la morale dominante nous a enfermé depuis trop longtemps ; car il n’y pas que Zemmour pour tenir des discours apocalyptiques, loin s’en faut, et l’adulation béate du progrès – dont je ne vous accuse pas – en est une forme tout aussi néfaste quoique plus insidieuse ; l’histoire dont on pense qu’elle ne peut que progresser ressemble à s’y méprendre à celle qu’on voudrait faire marcher à reculons, mais brisons-là la digression. Durant votre discours vous dites que la prochaine fois que vous vous adresserez à nous ce ne sera plus du haut d’une tribune mais pour aborder concrètement les thèmes et les thèses auxquels nous nous opposons et que vous défendez ; cela serait heureux car sans quoi, Raphaël Enthoven, il se pourrait bien que, malgré ou à cause de vos prévisions, vous soyez surpris par la défaite de votre camp et que nous soyons amèrement déçus par notre victoire.

 

 

Rémi Lélian

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