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Décryptage de l’affaire Carlos Ghosn avec Bruno Gollnisch

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Publié le

9 janvier 2020

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L’affaire Ghosn défraye la chronique en France comme au Japon. Après son incroyable évasion, l’ancien PDG de Renault-Nissan s’est réfugié au Liban, son pays d’origine, pour échapper à la justice de l’archipel nippon. Dans une conférence de presse à la Tony Stark où il a fait montre de son intelligence et de son sens du spectacle, Carlos Ghosn s’est dit victime d’un complot. Est-ce bien vrai ? Pour en parler avec nous, un fin connaisseur du Japon et un actionnaire de Renault : Bruno Gollnisch.

 

 

 

Comment l’opinion japonaise a-t-elle réagi à la fuite rocambolesque et inattendue de Carlos Ghosn ?

 

C’est difficile à apprécier. Carlos Ghosn était naguère populaire, certes, mais peut-être pas auprès des employés de Nissan qu’il avait licenciés par milliers. Il n’a néanmoins pas eu tort de dire lors de sa conférence de presse qu’il a été sali et injustement attaqué après son arrestation par les médias nippons et ses adversaires chez Nissan sans avoir la possibilité de se défendre. Que les attaques, du reste, aient été ou pas justifiées. Son image a donc été ternie, sans toutefois que le Japonais ordinaire lui soit devenu pour autant farouchement hostile. Il faut comprendre que le Japon est un pays policé, où la police et la justice ont la confiance de la population. Les Japonais ont un respect instinctif des autorités très largement supérieur au nôtre. La délinquance y est de douze fois inférieure à celle qui a cours en France. L’honnêteté et la discipline sont des comportements intériorisés par la quasi intégralité des Japonais. Les accusations ont donc tout de même eu une influence sur l’opinion.

En revanche, des faits l’ont été réellement, pour lesquels Carlos Ghosn n’a pas donné d’explications que je juge convaincantes. Ainsi des commissions considérables versées à des intermédiaires arabes, venus d’Oman ou d’Arabie saoudite. Ainsi, en suivant, de la question de l’évasion fiscale qu’il a éludée.

Sa défense lors de la conférence de presse était-elle la bonne ?

 

Oui, je dois dire que je l’ai jugée extrêmement habile, voire convaincante sur un certain nombre de points, notamment sur l’affaire de Versailles. Cette anecdote a fait du bruit car elle était la plus spectaculaire. Pourtant, ce n’est vraiment pas ce qui est le plus grave dans ce dossier. Renault a été mécène des travaux des appartements de la Reine, au château de Versailles. Le fait que Catherine Pégard, ancienne journaliste du Point et actuelle présidente du château et du domaine de Versailles, ait fait une fleur à Carlos Ghosn en louant à un prix plus réduit le château à l’occasion de cette soirée n’est donc pas particulièrement choquant. En revanche, des faits l’ont été réellement, pour lesquels Carlos Ghosn n’a pas donné d’explications que je juge convaincantes.  Ainsi, de la question de l’évasion fiscale qu’il a éludée. Quant à la question des commissions, il appartiendra à l’enquête de faire la lumière.  Il est possible que ses justifications soient exactes. Nous le saurons.

Le procédé, s’il était peut-être d’une légalité douteuse était surtout moralement contestable. Il faisait la preuve de la cupidité de Carlos Ghosn, comme celle de son arrogante désinvolture.

Le fond de l’affaire ne touche d’ailleurs pas forcément à ce qu’elle renferme d’éventuellement illégal au regard du droit japonais, et peut-être du droit français. Je lui ai toujours reproché d’avoir réclamé le doublement de sa rémunération du temps de sa toute-puissance alors que l’alliance Renault-Nissan ne pouvait alors pas se le permettre et que rien ne le justifiait. Il a fait valider une augmentation par le Conseil d’administration en passant par-dessus l’Assemblée générale des actionnaires qui l’avait refusée. Il est passé outre. Chose qui ne se fait jamais au japon. C’est quand même étonnant. Il y a eu peu de protestations à l’époque, sauf celle de Pierre Henry Leroy de Proxinvest. Le procédé, s’il était peut-être d’une légalité douteuse était surtout moralement contestable. Il faisait la preuve de la cupidité de Carlos Ghosn, comme celle de son arrogante désinvolture.

 

 

Des comportements que l’on imagine peu conformes aux mœurs japonaises… Non ?

 

Si. Il l’a d’ailleurs dit lui-même devant les journalistes. Il n’est pas possible de gérer l’alliance Renault-Nissan par le seul consensus car les deux groupes ont des cultures d’entreprises extrêmement différentes, sinon antinomiques. Carlos Ghosn pense qu’il fallait un patron à poigne et qu’il était le seul à pouvoir faire marcher correctement l’alliance. Ce n’est pas totalement faux, mais cela mériterait probablement d’être nuancé. Ce à quoi nous assistons en ce moment aura d’ailleurs prouvé que la méthode Ghosn avait ses limites. Les Japonais ont l’habitude de la gestion par le consensus. Il s’agit d’une nation organique. Il n’est pas interdit d’y être riche mais la prégnance et l’imprégnation de la société par la tradition confucéenne commande qu’on ne le montre pas trop, qu’on n’étale pas son argent et son confort de vie aux yeux des autres. Carlos Ghosn avait un aspect clinquant qui pouvait parfois déranger le Japonais moyen. Ce n’est vraiment pas leur style.

Carlos Ghosn a notamment étranglé méthodiquement les sous-traitants locaux ou les équipementiers. C’est un pur « cost killer ». Pourquoi pas, sauf que quand on se comporte de la sorte pour les autres, il faut au moins avoir le bon goût de le pratiquer pour soi-même, au moins en apparence. C’est une question d’éthique, de bon goût.

Du reste, et j’aimerais conclure par là ; la méthode Ghosn a laissé des traces. Il a effectivement engrangé quelques succès mais d’une manière parfois mal perçue dans l’archipel, rompant avec des pratiques anciennes et bien établies. Carlos Ghosn a notamment étranglé méthodiquement les sous-traitants locaux ou les équipementiers. C’est un pur « cost killer ». Pourquoi pas, sauf que quand on se comporte de la sorte pour les autres, il faut au moins avoir le bon goût de le pratiquer pour soi-même, au moins en apparence. C’est une question d’éthique.

 

 

La justice japonaise est extrêmement critiquée dans les médias. Est-elle aussi sévère et partiale que ce que laisse imaginer sa réputation à l’étranger ?

 

Je suis très attaché à la présomption d’innocence parce que ça me paraît être la condition nécessaire d’un procès équitable. Carlos Ghosn a insisté sur ce point à raison. Néanmoins, cela doit marcher dans les deux sens et il faut respecter le principe du contradictoire. Durant cette conférence de presse, nous n’avons pu entendre que le point de vue de Carlos Ghosn et pas celui du procureur japonais qui l’a attaqué. Monsieur Ghosn a donc eu tout loisir de dépeindre sous un jour très sombre le système judicaire nippon, expliquant ne pas voir pu préparer dans des conditions décentes sa défense.

J’ajoute que certains propos m’ont semblé biaisé. Carlos Ghosn aurait-il été mieux traité aux Etats-Unis ? J’en doute. Vous pouvez poser la question à Dominique Strauss-Kahn ou aux cadres d’Alstom !

C’est partiellement exact, mais j’aimerais porter à votre attention qu’il a été libéré sous caution … chose qui a été refusée à Patrick Balkany chez nous. Ce qui est reproché à l’ancien maire de Levallois est pourtant d’une nature moins grave. Il ne lui est fait grief que d’une simple fraude fiscale. Il n’y a ni corruption ni abus de biens sociaux. Vous m’excuserez d’avoir la faiblesse de croire que protéger son propre argent de la rapacité de l’Etat est moins infamant que de prendre celui des autres. L’enquête française fera la lumière sur les agissements de Carlos Ghosn. Nous verrons ce que ça donne.

J’ajoute que certains propos m’ont semblé biaisés. Carlos Ghosn aurait-il été mieux traité aux Etats-Unis ? J’en doute. Vous pouvez poser la question à Dominique Strauss-Kahn ou aux cadres d’Alstom !

 

 

De quelle façon diffèrent les patrons japonais de leurs homologues français ?

 

Lorsqu’il était le PDG de Renault, la rémunération de Pierre Dreyfus était 50 fois inférieure à celle que touchait Carlos Ghosn. On glose beaucoup sur les indemnités des élus, celles des députés par exemple. Sachez qu’elles représentent 0,5 % des rétributions des grands patrons, pour un travail qui n’en demeure pas moins très absorbant. Ajoutez à cela les « golden parachutes » et les rémunérations versées à des proches, ce qui est au cœur du dossier Ghosn. En France, les grands patrons sont souvent recrutés dans la haute fonction publique, chez les polytechniciens (à l’image de Ghosn ou Cron d’Alstom, dont on ne peut pas dire que la gestion fut très efficace) ou les énarques. Ils se font toujours verser des salaires mirifiques mais ils n’ont pas toujours une qualité de gestion comparable. Je ne dis toutefois pas que Carlos Ghosn fut un mauvais gestionnaire, loin de là.

Mais je vous pose la question : était-il normal que Carlos Ghosn méprise la décision des actionnaires pour décider seul de s’augmenter alors que l’action Renault baissait de 35 % ?

Mais lui comme les autres ont été nommés à la faveur du pouvoir politique, qu’il a d’ailleurs critiqué pour se défendre. C’est assez paradoxal. Il est légitime qu’un homme qui a créé de toutes pièces une grande entreprise, en risquant ses biens personnels et en se mettant en danger, s’enrichisse à proportion des dividendes aux apporteurs en capital ou des salaires qu’il verse. Mais je vous pose la question : était-il normal que Carlos Ghosn méprise la décision des actionnaires pour décider seul de s’augmenter alors que l’action Renault baissait de 35 % ? C’est arrivé deux ans avant le scandale qui fait l’actualité et je crois que ça n’a pas été neutre.

 

 

Au fond, Carlos Ghosn n’a-t-il pas donné, par son comportement frivole, une justification aux Japonais de Nissan qui l’avaient dans le viseur ainsi que l’Etat français ?

 

Oui. Il a dit avoir été partisan d’une holding pour éviter la fusion durant sa conférence de presse. C’est une information qu’il faudra vérifier. Ce qui est certain, c’est que les gens de Nissan craignaient de perdre leur autonomie. Parmi eux, monsieur Saikawa qui n’était pas blanc bleu et qui a obtenu le poste de Carlos Ghosn avant d’être lui-même sabordé quelques mois plus tard. Les Japonais se sont servis de ce qu’ils ont pu trouver contre Carlos Ghosn.

Je crois qu’il faut aussi mettre en cause le Conseil d’administration de Renault, véritable cour des miracles totalement dévouée à Carlos Ghosn qui a joué un rôle calamiteux.

Carlos Ghosn a beau jeu de déplorer qu’il n’y ait plus d’alliance aujourd’hui en dénonçant Nissan ou l’Etat français : il en est l’une des causes majeures ! Je crois qu’il faut aussi mettre en cause le Conseil d’administration de Renault, véritable cour des miracles totalement dévouée à Carlos Ghosn qui a joué un rôle calamiteux.

 

 

Propos recueillis par Gabriel Robin

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