Pour froncer les sourcils, s’entraîner des heures à sculpter sa mâchoire carrée afin de prendre son air le plus martial au 20h, Emmanuel Macron est très fort. Mais pour le reste… Le président, c’est le téméraire du bunker. « Venez me chercher ! », lançait-il aux Gilets jaunes armés d’un transpalette de supérette, bien planqué au château, protégé par une armée de CRS, l’hélicoptère à portée de main. On ne va pas reparler de sa guerre contre le virus. Il y a des anniversaires qui ne se fêtent pas. Quant à la Russie… Bref, n’allons pas plus loin au risque d’être désagréable. En revanche pour Boualem Sansal, Emmanuel Macron opte pour le discret, les négociations d’alcôves, comme avec les preneurs d’otages.
Il ne fait pas bon épouser la France quand on naît en Algérie. Les Harkis s’en souviennent encore. L’écrivain le découvre
Boualem Sansal est un petit homme par la taille mais porte en lui la grandeur des braves. On le reconnaît à sa queue-de-cheval qui tire vers le blanc, ses yeux doux et sa voix fragile. Il est à peine plus vieux que son bourreau, l’affreux Tebboune. La preuve qu’un cœur mauvais se décalque vite sur la trogne. Par ses livres et ses entretiens, Sansal atteint à la sûreté de l’État algérien, nous disent-ils. On a connu des demi-molles plus robustes. Voilà presque cent cinquante jours que l’écrivain est en prison. Il est âgé, malade et privé d’avocat. Si l’Algérie nous déverse régulièrement ses ordures illégalement, elle interdit en revanche à un avocat d’entrer sur son territoire, même avec des papiers en règle. Mais Macron n’en démord pas : « Je fais confiance au président Tebboune », a-t-il affirmé avec autant de conviction que s’il laissait les petits enfants de Brigitte à Cohn-Bendit. On l’aura compris, la tactique c’est lécher les babouches de l’autocrate corrompu. Faut reconnaître que c’est d’une efficacité redoutable.
Alors quelques voix s’élèvent au gouvernement. Retailleau a encore menacé de démissionner. Il est devenu l’ennemi numéro un du pouvoir algérien. Bayrou a tapé du poing sur la table très fort à défaut, cette fois-ci, de se rouler par terre. Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères jamais avare en connerie, est allé rompre le jeûne du ramadan à l’ambassade algérienne rebaptisée Grande mosquée de Paris. Entre trois dattes et deux couscous, Chems-Eddine Hafiz, recteur et porte-parole en chef de Tebboune en France, a affirmé que sa « compassion va à toutes celles et à tous ceux qui, en cet instant, subissent le désarroi, le déshonneur, la violence et l’injustice ». On ne le connaissait pas si taquin. D’autres avancent moins masqués : ils s’appellent Zeribi ou Stora. « Ces Boualem Sansal, pseudo-écrivains islamophobes qui propagent la haine », vomissait sans honte le premier, quand le second, tout en voix mielleuse, déclarait : « Ce qu’il écrit blesse le sentiment national algérien. » Perroquet du régime algérien est décidément une bonne situation. Comme mégaphone du Kremlin d’ailleurs. On appelle ça les nouveaux métiers sous tension.
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Pendant ce temps, Boualem Sansal attend dans sa prison. Dix ans ? Huit ans ? À son âge, les mois comptent triple. La réponse graduée tant promise par le gouvernement français pue la soumission. Il ne fait pas bon épouser la France quand on naît en Algérie. Les Harkis s’en souviennent encore. L’écrivain le découvre. L’abandon est leur récompense et la honte notre damnation. Alors ils misent sur la grâce présidentielle de fin de ramadan. Condamner un innocent avant de le gracier pour montrer sa grandeur d’âme, c’est beau comme un étron qui sèche sur la grande place d’Alger.
Cher Boualem, tu n’es malheureusement qu’un prétexte au gouvernement algérien pour cracher encore une fois sur la France. Il ne lui reste que ça pour s’offrir la consistance dont il manque tant et se donner un peu de légitimité. L’ennemi reste le meilleur moyen pour créer une unité nationale sous les applaudissements des traîtres. L’État français ne bronchera pas, il ploiera encore le genou sous le poids d’une fausse culpabilité, trop flippé de voir une cinquième colonne se mettre en branle. Alors cher Boualem, pardonne-leur, ils savent très bien ce qu’ils font.
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