On regretterait presque la guerre froide. Au moins elle ne manquait pas d’inventivité ni de subtilité bien tordue. Faut dire qu’à l’époque, l’information circulait plus difficilement. Avec le « tout numérique », les mensonges traversent l’Atlantique et les plaines de la Volga plus rapidement que Space X. Mais les vérités aussi.
Prenons par exemple la « dictature ». Le mot à la mode, elle est partout paraît-il. En France, en Ukraine, à Bruxelles, mais pas trop en Russie ces derniers temps. Elle est partout, surtout là où on peut encore la dénoncer sans finir au gnouf. Soljenitsyne a la barbe qui frise en nous regardant. Alors on lui greffe un adjectif, comme « dictature douce ». Aussi crédible qu’un « taliban inclusif ». Non, nous ne sommes pas en dictature. Von der Leyen a été élue avec les voix des LR, tout comme Macron d’ailleurs et Richard Ferrand a récupéré le trône de Fabius au Conseil constitutionnel avec l’accord du RN.
La décision de l’Arcom de fermer la chaîne C8 et de laisser sur le carreau plusieurs centaines de salariés est misérablement idéologique et politique
Mais rassurez-vous chers lecteurs, je n’ai pas viré gauchiste, ni ne sous-estime la dérive autoritaire qui renifle le bon moyen de se refaire la cerise sur le Vieux Continent. Seulement aucun camp n’a le monopole du terrorisme intellectuel. La décision de l’Arcom de fermer la chaîne C8 et de laisser sur le carreau plusieurs centaines de salariés est misérablement idéologique et politique. Von der Leyen et sa clique respectent autant les peuples européens qu’un Poutine ses soldats. Quant à Zelensky, il ne m’inspire guère de sympathie sinon celle d’un chef d’État souverain envahi par l’ogre russe, mais disons que les bombes allemandes n’empêchaient pas Churchill d’enfiler son complet plutôt qu’un vieux tee-shirt des plus suspects. Mais voilà, la dictature n’est pas là. Car les mots ont un sens, s’inscrivent dans une histoire et revêtent une réalité. Tout comme les nazis, les crânes fraîchement rasés, le fascisme et tout le tralala que pensent débusquer les résistants de pacotille à chaque coin de rue, les mêmes qui sont infoutus de différencier aujourd’hui l’ennemi parce qu’il a troqué la croix gammée pour un croissant.
J.D. Vance est venu en Europe. Les « élites » européennes en sont ressorties avec une gueule de bois carabinée alors qu’elles applaudissaient, neuf ans plus tôt, un discours d’Obama anti-Brexit à Londres. À Munich, les camps se sont inversés. Ceux qui hurlaient à l’ingérence applaudissent aujourd’hui. Forcément, après des décennies d’humiliations, d’insultes et de trahisons, le camp national se surprend à épouser la bonne parole d’où qu’elle vienne. Malheureusement, la fidélité de substitution rend plus malheureux que la démocratie, surtout quand la géopolitique et l’idéologie s’emboîtent aussi mal. La raison est simple : America First !
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La ville a un nouveau shérif et il s’appelle Donald. Il ne va pas faire dans le doigté. Pas son genre, ni celui de l’Amérique d’ailleurs. Leur truc à eux, c’est plutôt le bulldozer. Et la France va le sentir passer. Et ce n’est ni la main chaleureuse d’un J.D. Vance sur l’épaule d’un flic (l’Américain a souvent la gestuelle amicale) ni la sulfateuse antiwoke bienvenue qui fera passer la pilule. La France n’est qu’un point sur une carte à côté de l’Allemagne. Un point qu’on efface s’il devient gênant. À leur décharge, reconnaissons que nous ne sommes plus très désirables. Vendus à la découpe depuis des décennies, dépecés de notre souveraineté et représentés par un sale gosse narcissique qui joue à la guerre avec autant de crédibilité qu’un acteur de série France Télévisions, il ne nous reste que notre glorieux passé pour lutter.
Alors nous regardons le monde changer. Chacun dans nos postures, la certitude comme arme et le doute comme ennemi. Pour nous occuper, nous mastiquons nos vieilles rengaines avec la mélancolie d’une dernière passe et nous ne voyons même plus que se prépare une révolution anthropologique au Parlement. On appelle ça « le droit à mourir dans la dignité », le mot sympa pour dire buter les faibles. Paraît que les Français sont majoritairement pour. C’est peut-être le moment de faire un référendum, se dit Macron. Afuera les impotents, les handicapés et les vieillards ! Ils sont aussi pour la remigration et la peine de mort. Mais c’est immoral et contre l’État de droit.
Alors que l’euthanasie, c’est un soin, l’ultime liberté et le progrès. Tiens, encore un mensonge.
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