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Éditorial d’Arthur de Watrigant : C’est l’histoire de…

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Publié le

7 février 2024

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« La main du progrès ne tremble jamais. Surtout pour donner la mort.» Éditorial du numéro 72.
© Unsplash

C’est l’histoire de Claire qui s’est trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Ou est-ce celle de Lola, ou bien encore celle d’Alexandra agricultrice en Ariège et de sa fille Camille ? Ce mauvais endroit, c’est la France. Le mauvais moment, c’est celui qu’indique ta montre. C’est l’histoire de celles qui auraient pu être ta femme, ton enfant ou ta petite sœur et qui ont croisé un jour la route d’un criminel sous OQTF. Mais c’est aussi l’histoire de ce petit garçon, ou de cette petite fille, je ne sais plus, niché près du cœur de sa mère soudainement réveillé par un aspirateur. Il n’attendait que de voir enfin le sourire de cette voix qui le berçait, il n’apercevra que la mort transpercer son berceau parce que l’échographie a détecté le gène de l’innocence.

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Enfin c’est aussi l’histoire de cet homme emmuré dans son propre corps et de cette femme devenue chauve sous les assauts des médicaments, qui ne font plus couler de larmes et à qui on chuchote qu’ils sont trop indignes pour vivre encore quelques instants. Ces histoires sont les vôtres, les nôtres car nous les laissons s’écrire en détournant notre regard. C’est l’histoire de la République qui bute ses enfants sous les applaudissements.

La main du progrès ne tremble jamais. Surtout pour donner la mort. Incapable de bâtir des digues pour nous protéger des barbares venus d’ailleurs, notre République dresse des barricades contre quiconque s’opposerait à cette course effrénée contre l’Homme, embusquée derrière le dogme d’un faux droit pour sanctifier le règne de l’individu. S’il n’existe qu’un seul droit, c’est celui de tenir la main du plus petit d’entre nous et de lui offrir en reflet notre visage transpirant d’amour, car dans ce nouveau règne c’est toujours le pauvre qu’on sacrifie.

Pris de vertiges, nos modernes préfèrent détourner leurs yeux des abysses de l’âme humaine. Et pourtant c’est là que, depuis les premiers hommes, le Bien et le Mal joutent encore et toujours. C’est pourquoi des lois existent, ni inventées ni fabriquées par l’Homme comme nous le rappelle Pierre Manent. Des lois qui ont façonné pendant des siècles notre civilisation pour nous préserver de notre inhumanité, comme celle d’ôter la vie. Il ne faut pas nier les souffrances physiques ni l’angoisse de voir la raison nous échapper sournoisement. Mais il ne faut faire taire ni les balbutiements ni les gémissements, jamais. Nous devons écouter les murmures étouffés pour mieux voir que c’est un appel à l’aide qui se dissimule derrière les sanglots. Jamais la mise à mort ne sera un don. Ni pour un malade, ni pour une mère qui abrite un enfant innocent des impératifs du monde.

On lui dit que c’est son choix et on brandit le totem de la liberté pour lui interdire de pleurer. Effrayés de se faire démasquer, on grave dans le marbre d’une Constitution et dans la loi une mort sur ordonnance pour mieux l’abandonner. Pour ne pas déranger notre silence ; on lui demande de se taire, d’oublier sa souffrance comme on jette une compresse poreuse sur un cœur déchiqueté. Et puis, pour la rassurer et écraser nos doutes, on lui tamponne la tronche du cachet moral républicain. Qu’il est jouissif de vivre amputé de sa conscience.

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Car oui il existe des exceptions, des décisions qui se prennent seul, dans la pénombre à l’abri des harpies et des lobbys qui « connaissent parfaitement le cœur humain pour savoir que l’Homme peut accueillir l’idée de la mort » et même la désirer, comme l’écrivait Paul-Louis Landsberg. C’est justement de cette tentation qu’un État a le devoir de protéger l’Homme et non d’être son bras armé car tous les crimes lui sont possibles. « C’est justement le sens d’une défense morale que de diriger un être libre qui a le pouvoir de faire autrement » rappelle le philosophe. On ne tue jamais par amour, juste par un trop grand amour de soi. «La morale chrétienne n’est pas une morale de compromis et de lâcheté, elle nous demande un héroïsme plus profond, plus absurde, en un certain sens plus intransigeant que n’importe quelle autre morale » concluait Landsberg dans son Essai sur l’expérience de la mort. Faire croire qu’on pourrait tuer pour sauver n’est ni un basculement ni une transgression, mais une plongée dans l’abîme des âmes perdues, sans retour en arrière.


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