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Nettoyer LR des conservateurs pour se vendre à En marche, le destin de Christian Jacob ? C’est en tous cas ce que laisse à penser la conjonction de deux faits politiques récents : d’une part l’exclusion d’Erik Tegnér, et d’autre part la négociation active avec LREM pour les municipales. Retour chronologique sur la séquence.
OPA
Le feu a été mis aux poudres par Aurélien Pradié. Dans Le Parisien, le député de la première circonscription du Lot explique qu’il va « soulager Erik Tegnér », lequel « n’habite plus chez nous ». Une détonation : ou plutôt un coup de gong, qui lançait le premier round d’un combat de boxeurs. Aurélien Pradié met toute la direction devant le fait accompli. Un braquage : le jour de la sortie du papier, Christian Jacob était à Zagreb en train de participer à une réunion du PPE, coalition européenne dont font partie Les Républicains. Selon nos informations, Agnès Evren, députée européenne et présidente de la fédération LR de Paris dont fait partie Érik Tegnér est outrée : Aurélien Pradié ne l’aurait pas prévenue et lancé son bras-de-fer seul.
Illégalité ?
Selon les statuts, il faut un secrétaire départemental pour exclure un membre du parti. Jusqu’en mai 2019, c’était Geoffroy Boulard qui avait ce rôle. Mais il a démissionné de la fédération LR de Paris, après le score calamiteux de 10,2 % qu’a fait son parti aux européennes dans la capitale. Dans le contexte des élections suivies du renouvellement de la direction du parti, personne ne s’est préoccupé de lui trouver un remplaçant. Par conséquent, sans secrétaire départemental, la procédure d’exclusion est potentiellement illégale. D’ailleurs, une semaine complète s’est passée entre le moment où l’article est sorti et le moment où la lettre notifiant à Tegnér sa situation est partie : sans doute le signe qu’il y a eu des frictions en interne. Ensuite, la demande d’accès à son dossier n’a été acceptée qu’à la veille de la convocation.
Je me rendrai demain à 10h30 au siège LR de Vaugirard, pour être auditionné par @AurelienPradie dans le cadre de la procédure d'exclusion à mon encontre.
Voici les 5 axes que je développerai devant lui ?? pic.twitter.com/Ej0qTDlr9r
— Erik Tegnér (@tegnererik) December 9, 2019
Dès lors, quelques soutiens se manifestent. Guillaume Larrivé par Twitter, François-Xavier Bellamy sur Public Sénat, Olivier Dassault, et beaucoup d’élus locaux. Dans ce bouillonnement, une rumeur fait surface et se maintient : Aurélien Pradié aurait mis sa démission en jeu si Érik Tegnér n’était pas exclu. Il dément, mais que ce soit vrai ou non, qu’il l’ait simplement évoqué ou qu’il l’ait formellement signifié à la direction a finalement assez peu d’importance : l’existence-même de ce bruit montre à quel point il a montré sa détermination en interne. Aurélien Pradié a lancé un match de manière très claire : dès lors l’apaisement n’était plus une option.
Des militants chauffés à blanc par l’annonce de cette exclusion commencent à interpeller Pradié en masse sur Twitter. Des centaines de messages par jour, qui ne contribuent évidemment pas à calmer le jeu. De son côté, Érik Tegnér va se défendre chez Pascal Praud, mais refuse l’émission de Jean-Marc Morandini pour ne pas accentuer la pression. Un avocat, lui-même membre d’un parti politique voisin, a proposé de l’aider pour lancer une procédure au tribunal administratif, offre refusée par l’intéressé. Trop c’est trop.
Une réunion au septième ciel
« Je suis un simple militant. Dans ces conditions, si l’on a quelque chose à me reprocher, on m’accueille dans la cafet’. Or, j’ai été convoqué au septième étage. On donne à mon cas une importance énorme », explique Erik Tegnér pour poser le décor. Un brin de mauvaise foi : juridiquement c’est vrai, mais factuellement il possède une surface médiatique importante. Autour de la table ce mardi 10, il y a : Aurélien Pradié, Agnès Evren, Jean-Baptiste Garde, secrétaire départemental adjoint de la fédération, et la directrice juridique du parti. Encore une erreur juridique : c’est théoriquement le conseil départemental du parti qui devrait le recevoir. Mais il n’a jamais voulu le faire.
Les portables se retrouvent tous dans une boîte dans une salle à côté. S’ensuit une heure de demie de réunion houleuse. La réunion se termine avec deux questions : possède-t-il un lien matériel quelconque avec un membre du RN ? Ce à quoi il répond par la négative, puisqu’il a refusé la proposition de Pascal Gannat, élu sous l’étiquette RN mais désormais en dehors du parti, d’une embauche à temps partiel. Au passage, cette information leur a été probablement été transmise par les services de la Région Pays-de-Loire, ce qui est potentiellement illégal. Dans la même question, lui est aussi demandé comment a été financée la Convention de la droite. Curieuse interrogation, puisque cette manifestation, co-organisée par L’Incorrect, Racines d’avenir et le cercle Audace, ne regarde en rien le parti Les Républicains.
Et, seconde question, la fameuse : « Voteriez-vous pour François Baroin en 2022 ? » C’est évidemment un grand non. Et une indignation : « La vérité, c’est qu’on a reproché à Wauquiez d’être un dictateur alors qu’il laissait parler tout le monde, mais c’est Jacob le vrai dictateur. Quand j’étais chez Le Maire on pouvait critiquer les fillonistes. Boyer, Bellamy, Aubert, Larrivé, ils n’ont aucun poste actuellement ! Comme ça c’est clair : LR est une rampe de lancement pour Baroin en 2022, et ceux qui ne sont pas d’accord dégagent ». Le nom de Marion Maréchal est également évoqué, elle qui est retraitée de la vie politique et ne fait partie d’aucun mouvement. Proposition de Tegnér : se mettre en retrait des médias. Contre-proposition de Pradié : on vous exclut, et si dans un an vous avez changé d’opinion on réfléchira à vous réintégrer. C’est évidemment un autre grand non.
Si la ligne a changé, elle ne peut pas l’être unilatéralement et doit faire l’objet d’un débat. Il faut consulter les militants. Sébastien Pilard
Quelle est la première chose que fera Érik Tegnér après son exclusion formelle ? « J’irai boire un verre. » Reste un regret : que la bande du « Bouclier de Bacchus » (du nom de ce restaurant parisien où certains membres de L’Incorrect avaient organisé une rencontre entre Marion Maréchal et des élus LR en juin dernier) ne se soit pas concertée pour une stratégie de défense : « C’est le problème de ce camp : on n’est pas unis ». Les soutiens ont été chaleureux en interne et en off, mais rarement en surface. Selon Sébastien Pilard, « cette exclusion est perçue comme très surprenante. Nous sommes nombreux à penser que la ligne rouge qui a été fixée depuis très longtemps n’a pas été franchie. C’est d’autant plus surprenant alors que des alliances en bonne et due forme avec En marche ont été mises en place. Quoi qu’il en soit, si la ligne a changé, elle ne peut pas l’être unilatéralement et doit faire l’objet d’un débat. Il faut consulter les militants ». D’une manière générale, beaucoup de militants partagent une inquiétude face à la radicalité et la vitesse de la décision, et se montrent très sévères avec les alliances vers LREM. Certes, le score très confortable de Christian Jacob va à l’encontre du sondage du Figaro qui avait porté à 57% le nombre de militants favorables à des alliances avec le RN.
Longue marche
« Eric Rohmer est mort », chante la jolie Clio en 2016. Eric Tegnér l’est-il aussi ? « Je vais me mettre en retrait », temporise-t-il. « Pas question de crier dans le désert pendant des mois. Je vais continuer à développer Racines d’avenir en le fédéralisant, et travailler mon ancrage local ». Indice, ce sera dans l’Ouest. Il compte aussi terminer un livre. À ce sujet, il a un rendez-vous cette semaine chez un grand éditeur parisien. D’ici là, il compte se faire rare voire inexistant dans les médias. Tant pis pour la campagne de Dati aux municipales de Paris, qu’il avait très envie de faire. L’ancrage local, un passage dans le privé, sont peut-être les marques d’un vrai « nouveau monde ».
La direction des Républicains se vide de forces vives et risque d’aller au devant de problème logistique aux prochaines échéances faute de militants. Mais grâce à ses derniers barons locaux, il est possible que la casse soit amortie, et que les sénatoriales se passent bien. Dès lors, un candidat comme François Baroin aura une voie royale pour être le faiseur de roi en 2022. Avec un score entre 10 et 15 %, il aura de quoi négocier un accord de gouvernement avec En marche et Emmanuel Macron. Et la boucle sera bouclée.
Louis Lecomte
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