L’affirmation littéraire des femmes est aujourd’hui limitée à la pose victimaire, pourtant, dans les années 2000, la mode était plutôt à la mode effrontée (Lolita Pille, Bénédicte Martin). Des jeunes femmes se mettaient en scène dans une attitude prédatrice, doublaient les hommes sur leur terrain, revendiquaient leur puissance et leur jouissance en plein règne « patriarcal ». Que sont-elles devenues ? Ce grand renversement symbolique, quand s’est-il produit ? Avez-vous été surpris ?
Frédéric Beigbeder : On peut remonter plus en arrière. Avant Lolita Pille, il y a eu la parution de Bonjour Tristesse de Françoise Sagan où il y a un rapport sexuel avant le mariage, un père playboy à Saint-Tropez qui trompe sa maîtresse avec une autre maîtresse qui est divorcée. Je rappelle que ce livre avait scandalisé François Mauriac. On peut citer l’œuvre d’une autre femme qui avait également fait scandale : Histoire d’O de Pauline Réage. Avec ces héroïnes libres, on pouvait penser que la question de la sexualité était réglée. Mais n’oublions pas que, parallèlement, il y avait également d’autres romancières qui étaient plus plaintives, comme Annie Ernaux, qui écrit La Place en 1984, même s’il y avait chez elle une certaine libération sexuelle comme dans Passion Simple. Alors pourquoi ce changement ? Peut-être parce que le roman victimaire se vend mieux. L’analyse des traumatismes intéresse peut-être plus le public. Vous savez, les éditeurs sont rarement désintéressés. Si un sujet fonctionne, ils ont tendance à encourager les auteurs à emprunter cette voie. […]
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