Pour lire la suite de L’Incotidien et pour continuer à le recevoir chaque soir : abonnez-vous
« Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage : c’est la gastronomie française. Le meilleur moyen de la défendre, c’est de permettre aux Français d’y avoir accès. » Par ce tweet issu de son passage dans l’émission « Dimanche en Politique », Fabien Roussel s’est attiré les foudres de la gauche qui n’a pas hésité à critiquer son manque d’inclusivité en fustigeant des « appels du pied à la droite identitaire ». On le sait maintenant : la gastronomie française, c’est réactionnaire.
Pourtant, au-delà de cette polémique, est-ce que le sujet de l’alimentation ne révèle pas au fond la division qui s’installe durablement à gauche entre multiculturalisme, bourgeoisie et peuple ? On a pu voir en effet Jean-Luc Mélenchon racoler allègrement la gauche végane en déclamant son amour pour le quinoa – la « nourriture de l’avenir » – et la gauche pro-immigration en rappelant lors d’un débat face à Éric Zemmour que le couscous était le « plat préféré des Français ». D’un autre côté, on a pu voir la gauche écologiste se réveiller pour rappeler l’impact de la viande sur le réchauffement climatique, la maltraitance des animaux et cætera. Mais oui, les écologistes ! Ceux-là même qui militent pour les repas sans-viande à la cantine ! Apparemment, « l’amendement Zemmour » (pour interdire aux candidats coupables de propos racistes et antisémites de se présenter) qui fait un pan entier du programme de Fabien Roussel n’a pas été un gage de bonne conduite suffisant.
De plus en plus, la nourriture devient un marqueur politique, social et électoral. On se rappelle tous du fameux kebab de Benoît Hamon en 2017 ou des homards de François de Rugy. L’un est le marqueur d’une gauche communautaire, l’autre celui d’un centre-gauche bourgeois qui ne se dit pas.
Loin de se rétracter comme l’aurait fait tout homme politique de gauche trop peu courageux, le communiste persiste et signe
Pourtant l’alimentation, Fabien Roussel en fait maintenant son cheval de bataille. Loin de se rétracter comme l’aurait fait tout homme politique de gauche trop peu courageux, le communiste persiste et signe. L’opposé donc d’Arnaud Montebourg (entre autres) qui, dès que sa mesure visant à empêcher les transferts d’argent de la France vers les pays du Maghreb a été qualifiée comme étant « de droite », l’avait fait disparaître d’un coup de baguette magique. Roussel donc continue sur son sillon ; on l’a vu visiter l’École professionnelle de Boucherie à Paris le 17 janvier et appuyer son propos au cours de différents entretiens. Exploitation d’un coup de com’ ou réelle préoccupation ? On pencherait plutôt pour un mélange des deux quand on connaît l’attachement populaire de Roussel pour la « bonne bouffe » comme il le dit lui-même. Ajoutez à cela un soupçon de laïcité, une pincée de ruralité, une larme de pro-nucléaire, faites chauffer le tout à l’ardeur patriotique (de gauche) et vous obtenez (enfin) un candidat de gauche apparemment proche des préoccupations du peuple. L’ancienne gauche en somme.
Lire aussi : Châteaudun : Éric Zemmour parle à la France rurale
Avec ses positions souvent à contre-pied de la gauche actuelle, on comprend que Fabien Roussel essaie en réalité de reprendre le flambeau de son prédécesseur Georges Marchais pour reconstituer son œuvre, la modernité en plus. Seulement, est-ce que le candidat du PCF n’a pas une stratégie inavouée : reprendre au Rassemblement national les électeurs que Jean-Marie Le Pen avait récupérés il y a vingt ans ? En abandonnant les thèmes bourgeois de l’intersectionnalité et les thèmes pro-immigration des racialistes, Fabien Roussel a trouvé un couloir, certes encore bloqué par la personne de Marine Le Pen, mais encore ouvert pour reconstituer, peut-être un jour, une nouvelle gauche patriote fière de sa culture et de sa gastronomie. Laïque aussi, comme l’a montré l’hommage qu’il fit le 5 janvier à Charlie Hebdo et qui lui attira les foudres de l’extrême-gauche diversitaire et woke. Le communiste semble avoir trouvé son chemin, à l’opposé donc, de la gauche française d’aujourd’hui.