Quels sont les liens entre Erdogan et l’islamisme, à la fois en Turquie et dans le reste du monde ?
Erdogan est lui-même un islamiste radical. Il est Frère musulman, a fait partie de leur direction centrale. Il a construit son identité politique sur l’islamisme radical, et c’est ainsi qu’il arrive au pouvoir en 2003. Évidemment, à ce moment-là, les chancelleries occidentales n’ont pas compris son identité et l’ont pris à tort pour un islamiste modéré. Il est vrai que dans les premières années après sa prise de pouvoir, il a offert un visage modéré dans l’espoir d’une intégration de la Turquie à l’UE. Les observateurs les plus fins ont d’emblée compris qu’il s’agissait d’une simple tactique de séduction pour l’étranger, alors qu’à l’intérieur il construisait une Turquie islamiste à sa botte. À l’extérieur également, il instrumentalisait, soutenait et finançait des associations islamistes. Son objectif est de créer une Turquie forte, avec des relents de néo-ottomanisme, et en Europe d’organiser des communautés turques nourries à l’ultranationalisme qui serviront de relais à la Turquie.
On a l’impression que chez Erdogan, nationalisme et islamisme sont étroitement liés…
C’est exactement ça. La Turquie moderne naît en 1923 avec Atatürk. Elle se construit sur le nationalisme laïc. Depuis 2003, Erdogan a mis en place un nationalisme religieux, un nationalisme ultra-islamiste et il espère en 2023 remporter les élections qui y auront lieu afin de se présenter comme l’Atatürk contemporain, pour le centenaire de la naissance de la Turquie.
Ce qui est intéressant, c’est que le secrétaire général actuel du Millî Görüs est aussi secrétaire général du Conseil français du Culte Musulman
Franck Papazian
Pourquoi le président turc porte-t-il une attention toute particulière à la France ? Quels y sont ses objectifs ?
Erdogan s’appuie déjà fortement sur la communauté turque allemande, très nombreuse et organisée. Le deuxième pays sur lequel il a misé est la France, puisque ces deux nations sont les moteurs de l’Union européenne et qu’Erdogan est toujours candidat à son intégration. Il veut aussi peser sur la France parce que notre pays, jusqu’à maintenant, ne s’est pas montré particulièrement réceptif à la Turquie. Il veut nous contraindre à adhérer à son projet de puissance qui ne soulève pas l’enthousiasme ici. Ça passe par le fait de miser sur des associations parfois violentes, de miser sur des dizaines de mosquées islamistes et d’imams radicaux, de miser aussi sur les services secrets turcs qui accomplissent chez nous un travail de réseaux et de surveillance énorme. Erdogan est au pouvoir depuis vingt ans, il a eu tout le temps d’effectuer son travail de sape. Il a connu Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron I et maintenant Macron II. [...]
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