C’est le château Renaissance de Villers-Cotterêts, dans la forêt de Retz, lieu d’histoire et de culture, qu’avait choisi Emmanuel Macron en 2017 pour en faire le haut lieu de la francophonie à même d’illustrer son règne. Ce château n’est-il pas connu pour l’ordonnance royale, toujours en vigueur, qui donne naissance en août 1539 à notre état civil et impose à tout acte administratif et juridique d’être rédigé « en françois et non aultrement » ? On peut pourtant lire à l’entrée du château une affiche gouvernementale rédigée en franco-anglais, au mépris de l’esprit de la loi Toubon de 1994 qui entendait lutter, comme on peut le lire dans l’excellent petit livre de Claude Hagège Le Français, histoire d’un combat, contre « l’attitude laxiste de la France devant la pénétration de la culture et de la langue anglo-américaines sur son territoire ». Il aurait au moins fallu mettre une troisième affiche dans une autre langue, ou n’utiliser que le français, pour ne pas participer à l’hégémonie anglo-saxonne et à l’établissement du bilinguisme. De même, jusqu’au coup d’État de Madame von der Leyen en 2020, la diversité linguistique était exigée au sein de la Commission et du Parquet européens. Le bilinguisme de cette affiche, à cet endroit, n’a rien d’anodin. Pas plus que ne l’est pas la biographie bilingue de Valérie Pécresse sur le site de la Région Île-de-France.
Lire aussi : Langues régionales : Bastille contre Babel
En 2022, le président français prendra la présidence de l’Union européenne. Tiendra-t-il sa promesse de fin immédiate et effective de l’anglais, « langue commune » dans la Commission et le Parquet européens ? En mars de la même année, il rappellera lors de la Journée mondiale de la francophonie le bilan de quatre années de politique francophone. Avouera-t-il que Québec, Wallonie, Romandie sont au bord de l’asphyxie ? Ou répétera-t-il que le français est né, a grandi, se fortifie, rayonne depuis le bassin du fleuve Congo qui a sa source au Canada anglais situé aux États-Unis en passant par la Chine ?
Passant devant cette affiche, personne ne s’offusque, personne ne s’étonne de ce coup de Jarnac tant nous sommes colonisés. Ce bilinguisme nous paraît normal. Nous en jouissons. Nous ne parlons pas anglais mais franglais : quick et cash. Pas une émission télé qui ne soit en franglais. Plus un journal, à l’heure des news qui ne talke, ne débriefe. On like, on slashe, on est challengé, boosté, scotché aux écrans made in Globish. C’est écœurant.Justin Trudeau, le modèle d’Emmanuel Macron, ne passe-t-il pas dans une même phrase, au dire même de Mathieu Bock-Côté – Québécois libre s’il en est – du français à l’anglais ?
Il y a peu, Éric Zemmour, dans la ville où fut emprisonnée « Jehanne, la bonne Lorraine / Qu’Anglais brûlèrent à Rouen » fit une charge contre les impérialismes américain et allemand. Reprenons cette charge pour notre propos : il faut bouter le franglais de notre langue. Dit en françois et non aultrement : cesser de faire la carpette. Il en va de l’identité, de l’indépendance de la France. Si elle veut rester une puissance mondiale, sa langue ne peut être colonisée.