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Habemus Baba, ou pas : les coulisses d’un canular

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Publié le

30 avril 2025

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Sur Europe 1, Cyril Hanouna a assuré avoir berné la presse, faisant croire à sa candidature pour l’élection présidentielle de 2027. Contrefeu ou véritable canular ? L’Incorrect démêle le vrai du faux.
La couverture de l'hebdomadaire Valeurs actuelles sur la candidature Cyril Hanouna. © DR

Mardi 29 avril, 16 h. Le plateau d’Europe 1 est en pleine ébullition. Les fidèles chroniqueurs de Cyril Hanouna sont tout sourire devant l’animateur star de la station bleue qui doit « dire la vérité » sur sa potentielle candidature à l’élection présidentielle. Édouard Lavollé, jeune journaliste à Valeurs actuelles, est invité pour parler de son enquête sur le trublion médiatique. La Une de l’hebdomadaire conservateur ne laisse aucun doute : « Le candidat Hanouna ! » Le début de l’émission est bon enfant, Hanouna s’amuse du buzz provoqué, appelle des internautes pour avoir leur avis, et questionne le journaliste sur ses méthodes de travail. Un show signé Hanouna. Mais, 20 minutes avant de rendre l’antenne, l’animateur lance : « Édouard Lavollé ne sait pas ce que je vais dire. […] Je vais vous expliquer comment faire un excellent prank. » Mode d’emploi : « Envoyez une trentaine de mails pour dire que je suis candidat à l’élection présidentielle et vous êtes certain qu’au moins deux personnes feront tourner l’info. » Douche froide.

Au moins deux questions se posent. Les Français sont-ils si désespérés pour croire qu’un animateur de télévision puisse enfiler un costume de présidentiable ? Existe-t-il une autre raison que la manipulation, un peu perverse, d’un jeune journaliste pour faire parler de lui ?

La rumeur court

Depuis quelques jours, l’animateur star est au cœur de l’actualité. La veille, lundi 28 avril, le journaliste médias Clément Garin avait lancé la rumeur : Cyril Hanouna serait candidat à la présidentielle. L’information devait être officialisée dans Valeurs actuelles le mercredi 30 avril, jour de la sortie de l’hebdomadaire, avec à la clé un programme « disruptif » et des mesures chocs.

Selon les informations de L’Incorrect, dès le lundi 28 avril, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, informé par une source anonyme de la sortie du numéro sur la candidature Hanouna – sans pour autant en détenir le contenu -, s’est activé pour diffuser la rumeur. « Il a foutu le bordel dans Paris toute la journée », nous confie une source proche du dossier. Traduction : il a diffusé l’information dans tout Paris. L’entourage du président du Rassemblement national dément cependant cette affirmation, expliquant « qu’il a un peu autre chose à faire. » Sur CNews, Sonia Mabrouk l’interrogera le lendemain dans La Grande Interview. Bardella balaye l’idée : « Je n’y crois pas. L’élection présidentielle est devenue un chemin de croix et un parcours du combattant qui nécessite une forme d’enracinement dans le pays. »

À 17h05, Clément Garin officialise l’information : « Cyril Hanouna annonce sa candidature à la présidentielle de 2027 ce mercredi dans Valeurs actuelles et déclinera son programme. » Aussitôt, la presse reprend et devient le sujet principal de la journée. L’hebdomadaire décide alors de publier sa couverture en urgence : « Le candidat Hanouna ! ». Quelques minutes plus tard, sur les réseaux sociaux, Tugdual Denis le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, commente la Une sur le réseau X : « Rien ne se passe jamais comme prévu ». Un tweet prophétique.

Programme et Perrier grenadine

Au même moment, Cyril Hanouna anime son émission, « On marche sur la tête », sur Europe 1. Ravi de la tempête qu’il a déclenchée, il promet des révélations. « Demain, on fera toute l’émission là-dessus. Et sachez que demain ou mercredi, je vous dirai la vérité, parce que là, ça mérite qu’on s’y arrête. » Le buzz enfle. Le FigaroLe JDDLe HuffPost : toute la presse se saisit du sujet. À 21h30, Valeurs actuelles publie alors l’article principal sur son site. Le programme du « candidat » est détaillé, et les chaînes d’info continue en débattent toute la soirée. « Sauf cataclysme, Cyril Hanouna devrait être candidat », affirme mardi matin l’auteur de l’enquête, Édouard Lavollé, sur RMC.

Le journaliste a rencontré Cyril Hanouna mi-avril, dans une brasserie du XVIe arrondissement après plusieurs échanges, notamment une visite dans les coulisses de TPMP. Initialement l’enquête devait porter sur « l’après C8 » mais, au fil des semaines et des discussions avec les proches de l’animateur (direction de la boite de production H20, chroniqueurs etc.), ces derniers l’aiguillent sur la possibilité d’une candidature. Édouard Lavollé adapte logiquement l’angle de ses articles en conséquence. Cyril Hanouna, en terrasse autour d’un Perrier grenadine, déroule alors les grandes lignes de son futur programme présidentiel. Le journaliste ne doute plus : l’animateur rêve de l’Élysée.

La grande mise en scène

Mardi 29 avril, Lavollé est invité dans l’émission de Cyril Hanouna pour faire la promo de son article. Mais à peine arrivé, il déchante, quand l’animateur lui annonce : « Je suis obligé de démentir, faut bien que j’aie un métier. » Selon certaines sources, l’Arcom et M6 exigent une clarification de sa position. Hanouna le confie lui-même à son équipe avant la prise d’antenne : « L’Arcom est sur mes côtes. » En effet, la loi impose le décompte du temps de parole des candidats. Lavollé lui demande alors de reporter son démenti au lendemain, date de la sortie de l’hebdomadaire en kiosque. Une requête qui ne trouve pas écho. L’émission débute, Cyril Hanouna déroule le programme comme si de rien n’était jusqu’à ces fameuses vingt dernières minutes. Il décide alors de démentir : tout ceci n’était qu’un canular pour faire parler de lui et de son émission. Ou serait-ce plutôt un contre-feu pour gagner du temps ?

« C’est horrible, envoie par SMS Olivier Dartigolles, chroniqueur alors en plateau, à un confrère, comme pour se désolidariser. Mais c’est Cyril… ». Hanouna ne s’arrête pas là. En direct, il prend son téléphone et appelle le journaliste Olivier Truchot alors en plateau sur BFM TV. Le sujet de l’émission est la candidature Hanouna, et l’un des invités est Tugdual Denis, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles. Le couperet tombe : l’animateur dément une nouvelle fois toute ambition élyséenne. Tugdual Denis reste stoïque sur le plateau. Un chroniqueur proche d’Hanouna conclut : « C’est un buzz pour qu’on parle de lui, mais aussi un avertissement adressé au groupe M6. » Et d’ajouter : « Il leur dit en substance : “Arrêtez de me faire chier avec vos conditions, sinon je me lance en politique et je vous plante là.” »

La veille de sa sortie, la Une de Valeurs actuelles est déjà démentie. Trop tard. Sur le téléphone d’un journaliste de VA, on peut lire : « Tous les journalistes de la place de Paris rêvaient d’écrire cet article. » À un cheveu de décrocher le scoop de l’année.

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