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Je suis Français, je suis humain

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Publié le

14 janvier 2020

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On connaît la citation de Marc Bloch : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans s’émouvoir le récit de la fête de la Fédération ». On en ajoutera désormais une troisième, celle de ceux qui n’ont pas tressailli lors de l’incendie de Notre-Dame et qui n’ont pas craint qu’avec la disparition possible de la bâtisse millénaire ne s’efface pour toujours une part essentielle de la singularité française.

 

 

C’est que les cathédrales de France, et Notre-Dame en particulier, donnent l’image de quelque chose de plus grand que la nation : la figure en pierre de l’Universel, le véhicule grâce auquel nous nous sentons, nous autres humains, transportés au-dessus de nous et un peu plus que de simples animaux dont le territoire borne l’existence. Contre l’universalité abstraite de ceux qui pensent les hommes interchangeables et amis d’entrée avant même qu’ils aient appris à se parler, avant même qu’ils parlent la même langue, alors même qu’ils sont encore des ennemis et qu’il n’est toujours pas l’heure pour eux de faire la paix, l’Histoire de France, sa culture, sa religion, nous enseigne que l’amour de notre pays et de ses églises n’est que l’image charnelle de l’amour céleste que nous portons à l’humanité dans son ensemble.

Or la politique, c’est la civilisation, et la civilisation, les églises, les patries charnelles de Péguy et les paysages de Renaud Camus, la distance qui nous rend à nous-mêmes et disponibles aux autres, la possibilité d’un monde commun, en d’autres termes une définition de l’intelligence.

Peu importerait alors que la France survive en dessous d’elle, qu’elle survive parce qu’on aime ce à quoi on est habitué si cet amour ne nous portait pas, comme la nature de l’amour l’impose, vers un amour plus grand ; comme il importerait peu finalement à un homme d’exister en bête, ravi de son souffle mais privé de cette intelligence qui l’anime et qui nous oblige à constater que la politique, forme accomplie de l’identité charnelle, ce n’est pas la distinction ami/ennemi, mais la construction perpétuelle d’une fraternité et l’amitié sans laquelle nul n’est homme. Or la politique, c’est la civilisation, et la civilisation, les églises, les patries charnelles de Péguy et les paysages de Renaud Camus, la distance qui nous rend à nous-mêmes et disponibles aux autres, la possibilité d’un monde commun, en d’autres termes une définition de l’intelligence.

 

Lire l’article : Les Rugissants

 

Aussi, nous interdit la civilisation tout ce qui n’est pas réfléchi, tout ce qui n’est pas examiné et remis cent fois sur le métier, tissé le jour et détissé la nuit, comme Pénélope avec son linceul, car nous ne voulons pas mourir dans la satisfaction des machines ni vivre en esclaves parmi les barbares, et moins encore en idolâtres du Progrès ou de la Réaction. À cet égard L’incendie de Notre-Dame aura été l’occasion d’un véritable Memento Mori qui ne nous demande pas, comme le croit Macron le Vulgaire, de la reconstruire plus belle et plus grande – la reconstruire telle quelle suffirait amplement –, mais de nous placer en face de ce dont la Cathédrale témoigne : la France comme l’événement charnel d’une universalité spirituelle.

 

Rémi Lélian

À NOTRE-DAME François Cheng

Salvator 64 p. – 7,50 €

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