Le livre s’achève sur une notule au sujet de Nicola Palumbo, soit une preuve administrative que, contrairement à la plupart des personnages de roman, lui a bien existé ; ou une preuve de l’inverse : que nous n’existons pas davantage que les personnages de roman…
Nicola Palumbo, personnage principal du roman, constate progressivement qu’il n’existe pas, que nous n’existons pas, du moins que nous avons toutes les peines du monde à exister. Je comprends que l’on puisse douter de ce postulat. Mais amusez-vous, de votre côté, à remonter le temps ; pensez aux dernières semaines qui viennent de s’écouler : combien de fois avez-vous eu la sensation que vous étiez dans la vie (et non pas en bordure de la vie) ? Pardon d’insister, mais gardez-vous de cette période le souvenir d’une intensité quelconque, d’une vibration ? Sans préjuger de l’intérêt de vos actions, de vos agissements, vous conviendrez de notre impuissance commune à faire coïncider la « compacité » et la lourdeur du quotidien avec les espoirs que nous plaçons dans l’existence. Car le voilà, le grand problème posé par le monde moderne : il nous tient trop éloignés de la vie vivante (pour reprendre les mots de Dostoïevski). D’autant que cette époque en particulier, certainement la seule que nous connaîtrons, réussit l’exploit d’être plate et pesante à la fois. Mais revenons maintenant à Nicola Palumbo. À rebours de Sartre, qui soutient « qu’exister, c’est être là, simplement », voire à l’opposé de Sartre, chez qui, rappelons-le, la racine d’un marronnier est une révélation assez éclairante pour démontrer la réalité de l’existence, Nicola Palumbo s’aperçoit que nous sommes en réalité destinés à un état… d’Inexistence. Une inexistence aggravée par une faiblesse dont nous ne saurons jamais guérir : la mémoire sort des hommes et les hommes sortent de la mémoire. Il faut rendre hommage, ici, à l’immense Borges qui, lui, avait tout vu, tout compris, en affirmant que l’on ne peut exister qu’à condition d’être « représenté ». Eh bien, c’est cette « représentation » dont j’ai fait cadeau à Nicola Palumbo. Je lui ai donné une voix, une famille, des amis, des idées, des buts stupides et inatteignables. Je lui ai même donné une biographie officielle, que l’on trouve effectivement à la fin du livre. Être le personnage d’un roman ou d’un film, c’est être. C’est être enfin. [...]
Nicola Palumbo, personnage principal du roman, constate progressivement qu’il n’existe pas, que nous n’existons pas, du moins que nous avons toutes les peines du monde à exister. Je comprends que l’on puisse douter de ce postulat. Mais amusez-vous, de votre côté, à remonter le temps ; pensez aux dernières semaines qui viennent de s’écouler : combien de fois avez-vous eu la sensation que vous étiez dans la vie (et non pas en bordure de la vie) ? Pardon d’insister, mais gardez-vous de cette période le souvenir d’une intensité quelconque, d’une vibration ? Sans préjuger de l’intérêt de vos actions, de vos agissements, vous conviendrez de notre impuissance commune à faire coïncider la « compacité » et la lourdeur du quotidien avec les espoirs que nous plaçons dans l’existence. Car le voilà, le grand problème posé par le monde moderne : il nous tient trop éloignés de la vie vivante (pour reprendre les mots de Dostoïevski). D’autant que cette époque en particulier, certainement la seule que nous connaîtrons, réussit l’exploit d’être plate et pesante à la fois. Mais revenons maintenant à Nicola Palumbo. À rebours de Sartre, qui soutient « qu’exister, c’est être là, simplement », voire à l’opposé de Sartre, chez qui, rappelons-le, la racine d’un marronnier est une révélation assez éclairante pour démontrer la réalité de l’existence, Nicola Palumbo s’aperçoit que nous sommes en réalité destinés à un état… d’Inexistence. Une inexistence aggravée par une faiblesse dont nous ne saurons jamais guérir : la mémoire sort des hommes et les hommes sortent de la mémoire. Il faut rendre hommage, ici, à l’immense Borges qui, lui, avait tout vu, tout compris, en affirmant que l’on ne peut exister qu’à condition d’être « représenté ». Eh bien, c’est cette « représentation » dont j’ai fait cadeau à Nicola Palumbo. Je lui ai donné une voix, une famille, des amis, des idées, des buts stupides et inatteignables. Je lui ai même donné une biographie officielle, que l’on trouve effectivement à la fin du livre. Être le personnage d’un roman ou d’un film, c’est être. C’est être enfin. [...]
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