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Jean-Marie Le Pen : « L’Europe devient l’Eldorado de la Méduse »

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Publié le

20 avril 2021

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Il fut l’incarnation du mal pour la gauche et pour une certaine droite pendant presque un demi-siècle. Il fut aussi le chef incontesté de la droite nationale, candidat à quatre reprises à l’élection présidentielle, jusqu’à provoquer le coup de tonnerre du 21 avril 2002. Nous avons interviewé le diable de la République.

Nationaliste, réactionnaire, conservateur, populiste : comment vous définissez-vous désormais ?

Je suis de droite, conservateur, populiste… Populiste, oui ça me va assez ! Je ne vois pas de terme qui convienne mieux.

Et comment définir la droite nationale ?

C’est une droite qui assume de l’être, ce qui n’a rien d’évident. Les gens de gauche sont souvent fiers de l’être, quand bien même cette gauche n’existe plus. En revanche, les gens de droite ont souvent une réticence à s’avouer de droite, même quand elle existe. Je ne sais pas par exemple si Marine Le Pen se dit femme de droite.

Comment expliquez-vous cette réticence de la droite à se définir comme telle ?

Cela tient au régime qui s’est institué après la Libération qui très largement dominé par la gauche, a donné honte à ses adversaires d’être de droite. Au Parlement, il y n’avait que quelques rares députés qui s’avouaient comme tels. Ils étaient cinq, je crois. Le courant général s’arc-boutait sur la Résistance et la lutte contre Vichy, Vichy étant réputé représenter la droite, parce que des gens comme Maurras l’avaient soutenu, si tant est qu’ils aient eu une réelle liberté de choix. Mais juger correctement Vichy supposait de prendre en compte un certain nombre d’éléments, notamment que l’ennemi détenait deux millions de nos soldats en captivité. Cela demandait une certaine hauteur de vue.

C’est Jacques Chirac qui sera toujours un opposant résolu de l’accord avec le Front national. Je suis un adversaire de la possibilité d’être parlementaire en étant fonctionnaire, or Chirac est un haut fonctionnaire

Qui du général de Gaulle, de François Mitterrand ou de Jacques Chirac, a été votre plus grand adversaire ?

J’ai commencé par être élu député poujadiste, qui n’était pas un mouvement construit contre de Gaulle à l’origine. Néanmoins, au moment de l’Algérie française, je me suis efforcé de gagner l’Algérie pour arriver avant de Gaulle, pensant que celui qui parlerait le premier au balcon du Gouvernement Général à Alger pourrait ainsi s’adresser aux foules des pieds-noirs. Mais je ne suis pas arrivé avant de Gaulle. Disons donc que je me méfiais de lui. Je ne lui étais pas hostile, mais je doutais de sa loyauté et de sa légitimité, relativement à l’idée d’Algérie française. Et de fait, les pieds-noirs ont été le marchepied de son arrivée au pouvoir.

En 81, je suis candidat à la présidence de la République. Je réunis, je crois, 515 ou 520 parrains et je suis victime d’une manœuvre chiraquienne puisque le même jour, cent de mes parrains démissionnent en même temps. Ce sont des maires que Chirac avait fait inscrire comme parrains pour l’opération, ce qui a fait que je n’ai pu être candidat en 81 contre François Mitterrand.

C’est là que naît le « front républicain » ?

Le front républicain, ce n’est pas la droite gaulliste : c’est la conjonction de toutes les forces politiques de gauche y compris de certaines de la droite molle pour barrer la route aux solutions nationales. Ou nationalistes si vous préférez. Je rappelle quand même qu’au moment où j’entre en politique, à mon retour d’Indochine, c’est le tripartisme, c’est-à-dire le MRP, le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Et dans le fond, le mouvement de Poujade, quand il devient politique, c’est-à-dire quand l’UDCA (l’Union de défense des commerçants et des artisans) devient « Fraternité française », c’est la première fois que l’idée nationale revient sur la scène politique française. En 1956 sont élus cinquante-trois députés, lesquels seront d’ailleurs réduits à une quarantaine à la suite de l’élimination successive de députés qui sont disqualifiés. La disqualification n’est qu’un prétexte, mais la volonté d’élimination et de substitution est bel et bien là.

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En 1990, les « états-généraux de la droite » vont consacrer des positions du RPR et de l’UDF très dures sur l’islam et l’immigration, et très proches de celles du Front National. Qu’est-ce qui empêche alors un rapprochement entre le RPR et l’UDF et votre parti ?

C’est Jacques Chirac qui sera toujours un opposant résolu de l’accord avec le Front national. Pour quelles raisons ? Il faudrait le demander à son fantôme. Mais effectivement je me suis posé la question, parce qu’a priori c’était assez évident. Peut-être ceci : je suis un adversaire de la possibilité d’être parlementaire en étant fonctionnaire, or Chirac est un haut fonctionnaire… Enfin, Chirac était connu comme quelqu’un de très retors, de très plastique idéologiquement : un coup il est anti-immigration, un coup il ne l’est pas. Il aurait pu pousser le vice jusqu’à essayer de s’allier avec nous pour nous manger, mais il a préféré nous décrire comme ses adversaires, comme les tenants de la droite, c’est-à-dire dans leur esprit, du fascisme, avec l’imaginaire du nazisme qui n’est jamais très loin. Cela étant posé, il devenait impossible aux démocrates résistants de faire alliance avec nous. Tout cela était que prétexte, les électeurs du Front national n’étant ni des fascistes, et a fortiori des nazis. Le parti comptait d’ailleurs, sans en faire des parangons, un certain nombre de résistants. Mais ils ne considéraient pas que c’était une condition de base pour participer à la vie politique française et ils trouvaient même qu’on avait abusé du concept.

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