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« La SDJ s’interroge sur la position, fort commode, de rentier de la polémique qui est la sienne : salarié du Figaro, il se lâche à l’extérieur sans retenue, arguant du fait que cela ne regarde pas ses employeurs et collègues de travail. Les journalistes du Figaro, dans leur immense majorité, ne veulent pas être associés à ses provocations. La SDJ demande instamment à la direction de la rédaction de mettre un terme à cette situation ambiguë », a écrit l’instance représentative des journalistes du Figaro dans un communiqué destiné à la presse en date du lundi 30 septembre. Eric Zemmour serait-il le nouveau diable de la République ?
Les propos d’Eric Zemmour sont connus. Il donne d’ailleurs presque toujours la même conférence depuis dix ans, au mot près et avec les mêmes expressions. Son credo est simple : la frayeur inconsciente de la France et des Français est de finir comme la Pologne d’autrefois, dans un territoire fracturé par des populations divisées. À cela, il ajoute quelques traits d’humour volontiers provocateurs, rejouant parfois les conflits de la décolonisation, devant un public conquis avide de l’écouter pour se conforter dans ses ressentis et ses représentations du monde. Eric Zemmour est invariable, quitte à déplaire. Si nous vivons en une ère de réduction du champ d’exercice de nos libertés d’expression et d’opinion, l’essayiste prend un malin plaisir à mettre sur orbite le polémiste piétinant sans vergogne les limites des champs clos de la correction politique contemporaine, abordant les rivages les plus transgressifs aux yeux de certaines autorités morales et intellectuelles. C’est souvent jouissif.
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Dire d’Eric Zemmour qu’il est censuré relèverait pourtant de la malhonnêteté intellectuelle. Il sévit depuis désormais de très nombreuses années sur la plupart des médias les plus grands publics, ayant eu son rond de serviette chez Laurent Ruquier, sur I-Télé, Paris Première ou Le Figaro. Il a aussi navigué politiquement, affichant parfois sa proximité avec des hommes politiques de toutes les droites et des formations dites « populistes » qui voulaient bien le recevoir. Passé du système à une forme de radicalité assumée, dont les propos rappellent parfois certains instincts du Jean-Marie Le Pen des années 80 et des divers comités et écoles de pensée qui lui étaient alors proches, Eric Zemmour a donc l’avantage sur ses concurrents d’être un très bon client de la télé, dont il est l’enfant et le produit de synthèse.
À cette nuance près qu’Eric Zemmour est plébiscité par le public et de plus en plus repoussé par le système politico-médiatique, dont on peut mesurer l’amour pour la liberté d’expression à ses réactions pavloviennes. Ses acteurs ne veulent pas répondre à Eric Zemmour. Ils ont des « envies de pénal », de psychiatrie, de centres de rééducation et de goulags, comme le disait ce cher Philippe Muray.
L’ami Yrieix Denis, citant la chronique « Provocation, critique de l’idéologie française » de Raymond Aron parue dans l’Express du 7 février 1981, a comparé Eric Zemmour à Bernard-Henri Lévy. De prime abord contre-intuitive, cette réflexion n’en est pas moins pourvue de sens. Evidemment, leurs idées et leurs styles s’opposent, mais les deux hommes ont en commun d’incarner des figures de repoussoir et d’adulation, du moins dans les années 1980 pour ce qui concerne Botul. Tous deux sont les épouvantails de leurs ennemis, suscitant les mêmes réactions hystériques et les mêmes anathèmes, allant jusqu’aux menaces physiques et aux appels au meurtre. À cette nuance près qu’Eric Zemmour est plébiscité par le public et de plus en plus repoussé par le système politico-médiatique, dont on peut mesurer l’amour pour la liberté d’expression à ses réactions pavloviennes. Ses acteurs ne veulent pas répondre à Eric Zemmour. Ils ont des « envies de pénal », de psychiatrie, de centres de rééducation et de goulags, comme le disait ce cher Philippe Muray.
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C’est à qui dégainera le plus vite le terme « nauséabond », pour décrire ce qui n’est au fond qu’un constat historique et une vision subjective de l’évolution récente de la France, saupoudrés de quelques saillies oratoires destinées à provoquer le choc chez l’auditeur. Au lieu d’affaiblir Eric Zemmour, ses adversaires le renforcent et renforcent la ferveur de ses admirateurs. Ils sont même bien souvent ridicules. À l’instar de Donald Trump, l’éditorialiste du Figaro la bien compris le parti qu’il pouvait tirer de l’hystérie actuelle. Lui seul entraine des levées de boucliers unanimes, quand, de l’autre côté, des féministes devenues folles peuvent appeler à la sortie de l’hétérosexualité et d’autres indigènes (de l’autre côté du monde) déclarer fièrement être les « remplaçants » du peuple français. Au fond, personne n’adresse à Eric Zemmour la seule critique qui vaille. Le constat qu’il dresse sur la transformation inédite de la France, qu’il faudrait être sot ou de mauvaise foi pour ne pas voir, n’entraine de sa part pas même l’ébauche d’un commencement de solution. Il faudrait attendre, selon ses propres termes, un « miracle » pour nous sortir de l’ornière.
Remercions Eric Zemmour pour les portes qu’il ouvre aux heures de grande écoute, mais sachons aussi nous affranchir de ce délice de la provocation qui plaisait tant à Jean-Marie Le Pen ou à Georges Marchais, lesquels n’ont jamais pu prétendre au pouvoir. Faute de quoi le retour au réel pourrait être dur.
Une forme d’impolitisme qui n’enlève rien aux mérites du polémiste mais qui pourrait donner l’impression d’entretenir un public captif dans une représentation du monde inféconde. Remercions Eric Zemmour pour les portes qu’il ouvre aux heures de grande écoute, mais sachons aussi nous affranchir de ce délice de la provocation qui plaisait tant à Jean-Marie Le Pen ou à Georges Marchais, lesquels n’ont jamais pu prétendre au pouvoir. Faute de quoi le retour au réel pourrait être dur.
Gabriel Robin
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