Skip to content

La gauche contre les corps

Par

Publié le

2 juin 2023

Partage

Au début du mois de mai, l’émission Quotidien faisait encore parler d’elle en plantant ses caméras dans une salle de musculation pour un reportage particulièrement malhonnête visant à assimiler le sport à une addiction. Loin d’être un faux pas, cette tentative de dévaluation de l’activité physique est une conséquence logique de la vision du monde de la nouvelle gauche.

Comment ça, la gauche donnerait dans la malhonnêteté intellectuelle ? Y serait passée maître ? Nul âme noble ne saurait apporter foi à de telles galéjades. La preuve en est, ce reportage exemplaire de rigueur journalistique dont Quotidien nous gratifiait au début du mois de mai. Nous avons mis du temps à régir, soit que la vengeance se mange froide soit que nous utilisions ce vilain proverbe pour maquiller astucieusement notre paresse. Quoi qu’il en soit, l’équipe de Yann Barthès décidait il y a un mois d’installer sa facétieuse caméra dans les locaux d’une salle de musculation, de la chaîne Fitness Park pour les connaisseurs de deltoïdes postérieurs.

Quel était donc le but de cette immersion dans la sueur et les grognements ? Sans aucun doute célébrer cette belle jeunesse qui entretient son corps, ce qui permet de réduire les dépenses de santé donc de renflouer les caisses de la sécu donc d’étendre la CMU à l’ensemble des habitants de la Cuvette congolaise. Faux ! vous rétorquais-je la bave aux lèvres, écumant sous l’effet d’une rage de fort bon aloi. Car en trois minutes d’antenne, Quotidien a encore saisi une occasion de prouver son statut d’ennemi de l’Occident, ce qui est encore éventuellement tolérable, de la beauté du monde, ce qui commence à l’être moins, et des postérieurs galbés, ce qui devrait par contre valoir des supplices du plus raffiné des sadismes. Examinons ce cas.

Nous croyions la gauche quand elle nous disait qu’elle avait l’intelligence, la raison pour elle

Les mots, vous connaissez ces vilaines bêtes. Ils dirigent le monde. Nos journalistes de TMC le savent qui ont utilisé le terme de bigorexie pour introduire leur reportage. Ce dernier devait donc être consacré à la bigorexie. Qu’est-ce que cela ? L’addiction maladive au sport. Qui produit des risques de blessures, d’isolement social, de dépression. Une pathologie reconnue en tant que telle par l’OMS depuis 2011. Voilà qui ne semble pas foncièrement amusant. Sauf que dans le reportage de Quotidien, reportage est un bien grand-mot, il eut fallut dire micro-trottoir, ou micro-tapis, il s’agit simplement d’interroger entre deux séries de tractions une poignée de sportifs qui passent en moyenne une heure par jour à la salle six jours par semaine, c’est-à-dire six heures de sport par semaine si mes calculs sont exacts, c’est-à-dire des chiffres qui font pâlir les huiles de la rédaction de L’Incorrect mais pas exactement Schwarzy non plus. Il est vrai que cet interrogatoire s’effectue dans un esprit de malhonnêteté effarant et cherche en substance à faire avouer aux personnes qu’il vise que leur pratique les rendra déscolarisés et dopés. Mais malgré leurs touchants efforts, qu’on imagine acharnés connaissant leur propension au farfouillage, les porte-micros de Quotidien ne tombent que sur des jeunes gens souriants et parfaitement équilibrés, par ailleurs bien mis de leurs personnes, avec qui la comparaison ne leur est pas tendre.

Nous, nous étions naïfs, évidemment. Nous croyions la gauche quand elle nous disait qu’elle avait l’intelligence, la raison pour elle. Fille des Lumières, ne l’oublions jamais. Nous étions par contre l’obscurantisme, le complotisme, l’absence de probité dans les choses de l’esprit. Nous avions tort comme d’habitude. Car les docteurs de Quotidien utilisent le vilain terme de bigorexie, qui évoque un restaurant du port de Biarritz où les plateaux de fruits de mer distribueraient allègrement les intoxications alimentaires, pour parler de personnes a priori absolument saines. La clique de Barthès utilise donc des concepts précis à la volée, agite les peurs, oui, agite les peurs tel le Jean-Marie moyen des Années folles aka les années point de détail, sauf que quand lui vous mouillait les couches à coup de submersion mahométane pleine de cimeterres ensanglantés, fantasme sexuel qui en vaut un autre, eux tentent de vous faire frissonner à la vue un banc de développé-couché. Vous conviendrez de la cocasserie de cette démarche. Quotidien diabolise le sport, en produisant un amalgame abject, enfin nauséabond, enfin nous nous comprenons et il sera bientôt question du ventre de la bête immonde, entre ses pratiquants sains et ceux qu’il fait souffrir d’une addiction.

Lire aussi : Rééducation sexuelle : obsession de gauche

Mais dans quel but enfin ? Voyez-vous, et nous en savons quelque chose, le journaliste est d’une petite espèce fourbe qui passe le plus clair de son temps à vous coller ses pataudes opinions dans le museau d’une paluche en vous jurant l’autre main sur le cœur qu’il est l’être le plus neutre de la galaxie. Le journaliste est donc d’une race à démasquer. Démasquons donc Yann et sa clique. Yann et sa clique sont de petites sentinelles grouillantes de l’idéologie que l’on qualifie de woke quand sa culture se limite aux éditos de Pascal Praud et de déconstructiviste quand on est déjà tombé sur un livre par hasard. Voilà de quoi il est vraiment question dans le cas qui nous occupe aujourd’hui : le sport vise à forger de beaux corps, le sport, et notamment la musculation, pose un corps idéal à atteindre par ses efforts. Voilà qui n’est pas très inclusif tiens-donc. Ah ! Le mot sacré est lancé. Yann en veut au sport car cette pratique définit une hiérarchie entre les corps, soutient que certains sont préférables à d’autres, que le muscle vaut mieux que la graisse et la vigueur mieux que la mollesse. Là-dessus, Yann s’étrangle. Quoi ? Bande de fieffés grossophobes ! Eh ouais les mecs. Dangereux votre culte de l’apparence, qui exclura les gros et les moches et les maigrichons, c’est-à-dire une proportion somme toute non-négligeable de l’audimat de Quotidien. Voilà qui n’est ni très démocratique ni très bienveillant. Nous avons l’air de plaisanter or pas du tout. Si cette gauche qui pose comme axiome central l’acceptation de tous les comportements et caractéristiques individuelles et leur mise sur un pied d’égalité suit sa logique jusqu’à son terme, alors le sport, parmi bien d’autres choses, deviendra une pratique hérétique, lui qui discrimine, qui professe qu’il existe un beau et un laid, un fort et un faible, bref un bien, bref des valeurs.

Ne nous méprenons pas. Si nous lui laissons la voie libre, cette gauche dévorera toutes les douceurs du monde, laissera nos cœurs sans aliment. Ce reportage de Quotidien était un essai, une reconnaissance. On tâte le terrain, on mesure sa force. Sans un geste de notre part, les assassins feront encore un pas. Ils régneront alors sur un univers décharné, où une éthique de plomb aura écrasé jusqu’à la plus timide pousse de désir. Voilà le monde que nous préparent les petits marquis de Quotidien, un monde impossible où l’on a commencé par décréter l’absolue liberté pour finir par la pétrification du moindre geste sous la menace du fouet de la morale. Car agir, car tendre vers un but, c’est proclamer une situation meilleure qu’une autre, c’est donc poser une valeur, établir une hiérarchie. Si l’on voulait être taquin, on proclamerait le fascisme intrinsèque du réel, mais nous nous contenterons d’écrire que l’absolutisation de la tolérance n’est pas une solution viable au problème de la vie. Une caillasse est d’une absolue tolérance, elle ne vous traitera jamais de gros sac sudoripare qui ferait bien de s’envoyer un solide footing puis une bonne douche s’il veut arrêter un peu d’être une honte pour douze générations d’ancêtres. Une caillasse est moins vivante qu’un mort.

Nous voulons la civilisation, c’est-à-dire poser une perfection impossible à atteindre, c’est-à-dire souffrir chaque seconde de n’être pas plus beau, plus brave et plus poète

Nous, nous ne voulons rien voir à faire avec les tristes sires de Quotidien. Ces êtres ignorent tout des aubes d’après l’étreinte, des reflets timides écrasés contre les vitres, des longues courbes alanguies entre les draps. Ils ne connaissent rien à ces deux déesses à qui les âmes nobles dédient depuis trois millénaires leurs plus belles années, qui s’appellent la guerre et l’amour et exigent des corps vifs. Nous ne sommes pas dupes de la part d’individualisme néolibéral que comporte la pratique actuelle du sport, nous savons que son nom se prononce souvent entreprenariat. Mais sous les décombres bat toujours la pulsion aristocratique qui ne veut rien entendre du monde minuscule qu’on lui impose en martelant que lui seul est autorisé par la morale. Nous voulons la civilisation, c’est-à-dire poser une perfection impossible à atteindre, c’est-à-dire souffrir chaque seconde de n’être pas plus beau, plus brave et plus poète. Sur ce chemin se trouve la palestre, qui sculpte nos corps et endurcit nos âmes. Nous la chérissons donc, et ne nous étonnons pas que les vils rats de Quotidien tendent un poignard vers son cou. Jamais nous ne laisserons passer leur lame.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest