Imagine-t-on un été sans confiture de mûres ? Et imagine-t-on pareille confiture faite avec des mûres que nous n’aurions pas ramassées ? Ces mûres patiemment cueillies une à une, au péril de nos mains ; car les plus grosses mûres, les plus belles, les plus noires, les plus mûres sont toujours juste derrière, un peu trop haut : il faut faufiler la main entre les tiges épineuses pour saisir le fruit qu’on guigne, il faut pincer avec précaution la tige au bout de laquelle une grappe de mûres idéales nous nargue et, dressé sur la pointe des pieds, la courber lentement pour enfin amener les fruits à bonne portée.
C’est généralement le moment où, détachant la première mûre, la légère secousse qui s’ensuit fait tomber les autres au cœur du hallier et dépouille la grappe plus sûrement que nous. Crève-cœur. Tout juste s’il en reste une, forcément la moins charnue, qu’on cueille par principe, de mauvaise grâce, abandonnant le buisson triomphant à qui on prête une volonté maligne et une personnalité vicieuse. [...]
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