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Bodybuilding et capitalisme : les gonflés de la gonflette

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Publié le

23 juin 2022

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La pratique de la musculation connaît un essor considérable en Europe et en France depuis plusieurs décennies. Forgée sur un modèle américain, elle convoie des valeurs particulièrement proches de celles du néolibéralisme. L’Incorrect soulève le problème.
schwarzy

Les salles de musculation essaiment sur le Vieux Continent. En 2020, elles étaient 63 000 en Europe, pour 65 millions d’adhérents. En France, un adulte sur six les fréquenterait régulièrement. Depuis les années 90, ces chiffres sont en augmentation constante, et rapide. Les corps bodybuildés envahissent l’espace public, notamment par le cinéma et la publicité, et plus récemment les réseaux sociaux, surtout Instagram. Au-delà du culte de la beauté développé par les médias de masse, on peut analyser cette vogue pour la fonte par les liens profonds qu’entretiennent l’éthique du fitness et l’esprit du néolibéralisme, pour reprendre la démarche du sociologue allemand Max Weber qui analysa au début du XXe siècle les « affinités électives » entre protestantisme et capitalisme.

Ce sujet sent les grosses coupures et la testostérone, alors forcément on est tentés de jeter un œil du côté des États-Unis. Sur les internets américains, foisonne un genre de vidéos particulièrement populaire qui engendre des millions de vues, les motivational speech, les discours de motivation. Adressés souvent à un public jeune en quête de réussite professionnelle, ils invitent à renfort de formules lénifiantes à l’effort, au travail acharnés en vue de l’accomplissement économique, sur le modèle de l’entrepreneur. On remarque que les motivational speech qui rencontrent le plus de succès sont très souvent produits par des sportifs, et plus spécifiquement des anciens bodybuilders, qui établissent un lien très clair entre leur réussite sportive et la réussite professionnelle. 

Schwarzy devient un des principaux visages des années Reagan, où une Amérique qui renoue avec le libéralisme des origines retrouve confiance en ses valeurs et sa mission

Parmi eux, les plus célèbres sont Arnold Schwarzenegger et Dwayne Johnson dit « The Rock ». Un discours tenu par l’ancien gouverneur de Californie devant un parterre d’entrepreneurs en 2018, où il relate son parcours difficile de jeune étudiant immigré tentant de concilier ses cours et son job alimentaire avec ses entraînements de musculation et ses castings cinéma est particulièrement révélateur : « Je ne gâchais pas une seule seconde de ma vie […] Pour réussir, vous devez vous buter au travail, il n’y a pas de pilule magique ». Schwarzy, père de la formule « no pain no gain », met l’emphase sur l’obsession du travail, qui conduit à la réussite à la fois dans la musculation et l’entreprenariat. Cette éthique de l’ascèse, évidemment d’essence protestante, lie profondément capitalisme et sport. [...]

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