UN CHARMANT KALEIDOSCOPE
Lexique de mes villes intimes, Yuri Andrukhovych, Noir sur Blanc, 360 p.,24 €
Un titre pareil, avec son côté Calvino, donne envie d’ouvrir le livre, d’autant que le sous-titre ajoute une couche : « Guide de géopoétique et de cosmopolitique ». De quoi s’agit-il ? D’un recueil de textes de Yuri Andrukhovych (1960), figure majeure de la littérature ukrainienne contemporaine, sur les villes qu’il a traversées en Europe (Russie incluse) et au-delà (Toronto). Le tout forme une sorte d’encyclopédie personnelle, un autoportrait par villes interposées, « une autobiographie qui se surimpose à la géographie ». L’ordre alphabétique, qui force à mélanger pays et époques, fait tout le charme de ce gros volume kaléidoscopique dont le principal sujet est, au fond, de n’en avoir aucun, ou plus exactement de s’autoriser à les aborder tous – l’histoire, l’Europe, le bloc de l’Est, Tchernobyl, la chute du Mur, la poésie, les gens. Les prostituées, aussi, un peu. « A Kyiv, je n’ai jamais fait l’amour avec des prostituées. Ni dans aucune autre ville du monde, d’ailleurs, il me semble, mais je peux me tromper. ».BQ
DECADENCE GRANDIOSE
Fin d’empire, J.F.Ossang, Le Corridor bleu, 112 p., 13 €
F.J. Ossang cinéaste-poète, musicien punk-poète, reprend régulièrement son rôle de poète pur. Avec Fin d’empire, ce fils de Lautréamont nous offre son cahier du « retour au pays létal », combinant le tragique personnel et l’Histoire. « Le vent tourne – la planète sonne – il fait orage. / La langue ne satisfait plus sinon dans un jeu d’excellence – perdue. / Histoire d’un empire qui se délite sans plaisir, craque, cède par lambeaux ». Dans l’écho de Dien Bien Phu et du démantèlement de l’empire français, Ossang met en scène un démantèlement personnel dans l’écho de corps nihilistes. Puis, dans « Avant les glaces », le poète prend un ton beaucoup plus offensif : « Je suis l’héritier. Vissé dans sa capsule d’orages. Rivé sur le vide », comme une résurrection après le délitement. « L’Île de la terreur » jette le lecteur dans la houle. Rythmes, images, légendes, le poète vise l’épopée intérieure dans un souffle romantique intact. Ossang est un peu notre Ossian. RS
DES MUSES DANS TOUS LEURS ETATS
Figures de style, Serge Koster et Jean-Jacques Morize, Sydney Laurent, 108 p., 24,50€
La beauté féminine inspire l’objectif de Jean-Jacques Morize et les photos de ce dernier la plume de Serge Koster honorant par ce biais la première, comme en témoigne ce livre photographico-littéraire à l’érotisme raffiné. Associant chaque image à une figure de style et classant celles-ci par ordre alphabétique, l’écrivain imagine une mise en série singulière illustrant à merveille la dimension sensuelle du langage, chaque figure devenant une tactique de séduction illustrée par un modèle plus ou moins dévêtu adoptant l’une ou l’autre pose. À « Antiphrase », Koster décrit ainsi la photographie : « Est-ce pour échapper à ce risque de l’ironie que cette jeune personne exhibe son quadruple rang de perles à l’instant où elle nous refuse l’éclat de son regard ? » Ainsi les images et les textes déploient-ils en tous sens la splendeur des corps féminins, sources infinies de désir comme de sublimations[...] RS
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