La levée de l’anonymat a été le premier thème majeur débattu dans la journée d’hier. Si le gouvernement avait réussi à imposer sa ligne mercredi sur la ROPA et la PMA post-mortem, il a subi un double camouflet sur l’anonymat. L’article 3 approuvé hier dépasse en effet les volontés du gouvernement à bien des égards. C’est l’aile progressiste de la majorité parlementaire qui cette fois remporte le bras de fer.
Ainsi, les députés ont adopté l’accès rétroactif aux origines : à leur majorité, les enfants nés de dons de gamètes pourront accéder à des données non identifiantes (âge, caractéristiques physiques, pays de naissance, etc) ou à l’identité du donneur si celui-ci est d’accord. C’est le principe de rétroactivité qui concentrait les craintes du gouvernement. Il souhaitait que l’accès aux origines ne se fasse que pour les PMA exécutées à partir de l’entrée en vigueur de la loi. Vœu pieux : même les enfants nés d’un don de gamètes avant le projet de loi bioéthique auront finalement la possibilité de bénéficier du dispositif, à l’encontre de tout respect de l’engagement contractuel et moral d’alors. Une autre mesure a aussi été votée contre l’avis du gouvernement : l’accès aux données non identifiantes du donneur pour les parents avant la majorité de l’enfant.
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Par ailleurs, l’Assemblée nationale a validé la réforme de la filiation telle qu’adoptée en première lecture. Le Sénat avait tenté de fonder la filiation de la mère 2 par voie d’adoption simplifiée. Les députés en sont finalement revenus hier à une reconnaissance anticipée de l’enfant devant le notaire. Les couples lesbiens ayant eu recours à une PMA à l’étranger avant la promulgation de la loi pourront faire une reconnaissance conjointe pour établir la filiation, durant les trois premières années à compter de la publication du texte.
Ce débat a donné lieu à des échanges assez ubuesques au moment de définir la filiation. La droite parlementaire s’est élevée contre cette « véritable révolution des droits de la filiation ». Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a répondu ne pas vouloir créer de distorsions entre les deux femmes, celles-ci étant égales puisque portant un même projet. Encore une fois, il s’agissait de nier la différence naturelle entre une mère qui porte charnellement son enfant et une mère dénuée de tout lien biologique avec celui-ci. L’idée contre le réel, la volonté contre la nature. Comme le disait Nicolas Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément ». Dans le cas Aurore Bergé, lisez et concluez.
Enfin, la députation nationale a voté un amendement favorable à des dérogations autorisant certains établissements privés à but lucratif à pratiquer l’autoconservation des gamètes. Cette alternative ne sera autorisée, d’après le texte, que s’il n’existe pas d’alternative publique dans leurs départements. Défendu par Jean-Louis Touraine, l’amendement a été vivement critiqué – à juste titre – par la droite parlementaire qui y voit une ouverture évidente à la marchandisation du vivant. La majorité poursuit dans son machiavélisme, feignant de ne pas voir les conséquences logiques des mécaniques qu’elle enclenche.
Que conclure de cette dernière journée de débats ? Sur la forme, LREM manie l’art et la manière de la contradiction avec brio. La majorité divisée semble avoir des définitions bien différentes de l’équilibre castexien. Surtout, elle profite de ces apparentes dissensions pour communiquer et donner des gages à toutes les tendances de son électorat.
Faisant fi de toute prudence conservatrice, les apprentis sorciers se rêvent Prométhée et déconstruisent les règles élémentaires de la nature
Sur le fond, la majorité fait son coming-out libertaire, n’en déplaise à la gauche qui croyait voir à l’Elysée une énième émanation droitarde. Faisant fi de toute prudence conservatrice, les apprentis sorciers se rêvent Prométhée et déconstruisent les règles élémentaires de la nature. Ironique anachronisme pour des modernes, au moment où la question de la préservation de la nature est devenue une priorité. Ce vendredi, la question du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A) pourrait bien les faire basculer dans l’eugénisme.