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Manifestez, c’est la rentrée

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Publié le

13 septembre 2017

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Manif

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[qodef_dropcaps type=”normal” color=”red” background_color=””]M[/qodef_dropcaps]ardi 12 septembre, 8 jours après l’Éducation nationale, la gauche d’opposition faisait sa rentrée des classes. Cette année, quelques nouveaux viennent égayer la cour, mais les méthodes ont peu changé. L’exercice de chauffe est immuable. C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Manifestation ! Il y avait pourtant quelque chose de neuf.

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    Place de la Bastille. Des militants aussi âgés que leurs camionnettes sagement alignées sur les trottoirs gonflent leur ballon à l’hélium. Une odeur de friture émanant d’une buvette CGT met dans l’ambiance dès la station Saint-Paul d’où sortent les manifestants, Bastille ayant été fermée pour l’occasion. Devant la colonne en travaux, un immense espace publicitaire montre un gigantesque smartphone bien connu. On a la Bastille qu’on mérite.

Première surprise du jour, aucune fouille même succincte n’est faite à l’entrée de la place. La nouvelle a vite circulé, et des antifas se regroupent avec du matériel lourd. Pour l’heure aucun policier à l’horizon, la majeure partie du dispositif étant positionnée autour de la place d’Italie, but du cortège. Lequel est d’ailleurs en manque de grands noms : Alexis Corbière et Philippe Martinez sont les têtes d’affiche. La liste des revendications est bien entendu un gigantesque foutoir, et ce sont les slogans qui font la jonction entre les différentes organisations.

    Après un siècle et demi de luttes sociales et de manifestations en tout genre, conserver une créativité à la hauteur de l’enjeu se révèle une gageure. Finalement la CGT a fini par trouver : on se mobilise contre la « loi travail XXL ». Loi travail étant une franchise qui a bien fonctionné la saison dernière, les contestataires capitalisent dessus pour cette année. L’expression est très utilisée à l’oral, mais difficile de la trouver sur une pancarte. Un peu comme si cette formule, qui ressemble furieusement au titre d’un reboot série B, finissait par gêner au moment de le matérialiser sur un carton. En discutant avec des manifestants, on constate vite que cette sémantique maladroite traduit paradoxalement très bien leur état d’esprit : une peur insidieuse devant quelque chose qui leur échappe. Ils disent sentir qu’avec Macron, l’adversaire a changé. Par rapport à eux, Jupiter est en orbite. Ils sont troublés : Macron promet non pas plus de droits, non pas moins de droits, mais des droits nouveaux. « Travailler plus pour gagner plus », c’est clair ; « start-up nation », c’est beaucoup trop obscur pour être honnête.

Jurer mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus

Interroger des participants et montrer qu’il ne savent pas exactement pourquoi ils manifestent est un grand classique du journalisme de facilité, lequel est devenu la norme du milieu. En l’occurrence, une grande majorité des personnes interrogées est effectivement peu au fait des mesures concrètes prises par le gouvernement, mais se prononce contre deux choses précises, la forme et le fond.

Concernant la forme, le mode de gouvernement par ordonnance est perçu comme un court-circuit démocratique. Évidemment, tout le monde ici a voté Macron au second tour, ce qui ne fait qu’attiser la tension née de cette impression que plus rien n’est sous contrôle. Le militant CGT a compris que la force de ses convictions et son intransigeance l’ont rendu parfaitement prévisible, au point que celui qui veut aujourd’hui transformer le code du travail s’est appuyé sur eux comme sur un marchepied pour arriver au pouvoir. Chacun ici se rend compte qu’il a contribué à élire Macron et s’est fait manipuler de main de maître. Le soir du second tour, il espérait – à défaut de croire – que Macron lui en serait reconnaissant ; et aujourd’hui il descend dans la rue pour jurer mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Pour le fond, les craintes sont plus diffuses. Un nombre important de retraités manifeste contre l’augmentation de la CSG, des forains contre l’obligation de passer un appel d’offre pour les collectivités locales qui organisent des foires, mais dans l’ensemble ce qui préoccupe les manifestants est d’une autre importance qu’un pourcentage sur une fiche de paie. Derrière ces combats de façade, ils reconnaissent défendre les structures qui encadrent leurs vies et auxquelles ils tiennent : les patrons sont peut-être des salauds, mais un monde sans patrons c’est trop dangereux. C’est la raison principale de la présence de jeunes : ils savent que derrière le globish et son vocabulaire tendance se cachent des réalités difficiles pour les plus démunis. D’aucun s’aperçoivent que seul face au monde on est plus vulnérable que lorsqu’on est inscrit dans une pyramide hiérarchique. Le mot « défense du salariat » revient souvent dans le cortège. Les jeunes en tout cas sont catégoriques : « On ne veut pas être des auto-entrepreneurs livrés à la concurrence sans rien pour nous protéger ».

    Au premier regard, cette manifestation semble vue et revue ; marche tranquille pendant une heure, arrivé aux deux tiers du trajet les trois cent casseurs habituels se livrent à leur exercice favori. Le duel canons à eau contre cocktails Molotov dure sa demi-heure habituelle. D’ailleurs la presse  – certes occupée avec les cortèges de province – s’est bornée aux éléments de langage habituels, pour pouvoir embrayer dès que possible sur le premier match de Ligue des champions du Paris Saint-Germain. Mais au cœur de la manifestation, un fouillis et une confusion plus grands que d’habitude semblent le signe que le combat social a rencontré des ennemis d’un type nouveau. Et dont il va falloir prendre la mesure très vite. Christophe Castaner a déclaré que ceux qui pensent que le combat se passe dans la rue se trompent. Mais la rue, c’est tout ce qui reste à ceux qui ne sont rien.

De notre envoyé spécial : Louis Lecomte

 

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