Le clairon sonne la charge. La cavalerie s’élance et, ça y est, les troupes des trois candidats de la droite aux élections européennes s’affrontent déjà dans une bataille qui s’annonce âpre pour les têtes de liste et sapide pour les observateurs de la vie politique que nous sommes.
Mais, en ce jour de printemps, Jordan Bardella, François-Xavier Bellamy et Marion Maréchal enterrent la hache de guerre, le temps d’une soirée. Ils ont honoré l’invitation des Éveilleurs pour répondre aux questions de Boulevard Voltaire à la Palmeraie de Paris. C’est dans une salle pleine à craquer (1 000 participants) que les face-à-face avec la rédaction de BV – Gabrielle Cluzel, Marc Baudriller ou encore Clémence de Longraye – s’enchaînent. Pour un débat, on attendra. Il semblerait que certaines têtes de liste aient imposé la condition de leur venue : ce soir, il n’est pas question d’affrontements. Olivier Ubéda, chef d’orchestre de la plupart des grands raouts de la droite, fait le même constat : « La salle est fraîche, on est loin des grands meetings de campagne. Les gens ne sont pas venus en partisans. »
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Le premier à prendre la parole est le candidat réinvesti par LR, François-Xavier Bellamy. Il n’hésite pas à s’en prendre au président de la République – « Emmanuel Macron est à la tête d’un État qu’il a lui-même mis en faillite » – avant de revenir sur des thèmes qui lui sont chers : éducation, agriculture… Il se félicite d’avoir obtenu la reconnaissance par le Parlement européen de la GPA comme un crime, au même titre que la traite d’êtres humains. Sujet qui a provoqué une polémique l’avant-veille lorsque sa concurrente Marion Maréchal avait réagi par un tweet de quatre mots, « Où est la maman ? », à propos de la naissance des deux enfants du styliste Simon Porte Jacquemus et son mari par GPA. De quoi faire réagir les anciens ministres de l’aile gauche de la macronie Clément Beaune et Olivier Dussopt, ainsi que la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot.
S’ensuit, le passage attendu de Jordan Bardella. Ce dernier avait quitté la conférence de presse d’annonce de programme quelques heures plus tôt, provoquant la colère de certains journalistes comme Marylou Magal, toujours encline à tweeter : « J Bardella quitte donc la conférence de presse (qui porte mal son nom) sans répondre aux questions des journalistes […} il répondra en revanche ce soir aux questions de Boulevard Voltaire. » La tête de liste RN répond à un exercice qui lui est familier après une entrée de rock star : « Aujourd’hui, ce sont les radicaux qui ont gagné », « nos agriculteurs ont conscience que s’ils mettent la clé sous la porte, c’est parfois tout un village qui disparaît », « je n’ai aucune confiance en Mme Von der Leyen pour protéger les frontières européennes ». Il en profite pour charger ses adversaires politiques de gauche : « À nos adversaires qui disent que le RN monte parce qu’il ne dit rien, j’ai un conseil : taisez-vous ! » Après son passage et une franche accolade avec François-Xavier Bellamy, il quittera le premier la salle.
La scène revient logiquement à une Marion Maréchal des grands soirs, sous le regard attentif de François-Xavier Bellamy, assis au premier rang. Elle revient sur l’essence de son engagement : « Je me bats pour la civilisation européenne parce que j’en suis profondément amoureuse. » Elle n’hésite pas à pointer les incohérences du Rassemblement national sur le Pacte migratoire : « Ils ont voté des dispositions du pacte en Commission et ils ont changé d’avis sur un texte qui a été rédigé exactement de la même manière. Je n’explique pas ce changement de pieds. » Elle défend aussi la nécessité d’une liste Reconquête : « Non, notre liste n’est pas de trop. Il n’y a aucun vote perdu. Seuls comptent les 5% requis pour qualifier au moins un élu. » Elle quitte l’estrade en enchaînant les selfies.
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Si l’électeur de droite n’a pas peut-être pas encore fait le choix du bulletin qu’il glissera dans l’urne, il retiendra l’image de cette soirée. Une photo. Celle des trois têtes de liste réunies, tout sourire, le temps d’un court instant, devant le fond des Éveilleurs. Au moment du cliché, on peut entendre le cri d’un anonyme : « En voilà un gouvernement ! ». Mais, nos trois mousquetaires ne sont pas encore prêts pour l’Union des droites. Un concept dont la pratique continue de s’évaporer.