En meeting à Reims, Marine Le Pen s’est livrée à une séquence peu commode. Après un discours de politique générale somme toute assez classique mais tout à fait réussi, au cours duquel elle est revenue aux fondamentaux du parti et a témoigné d’un touchant souci pour la veuve et l’orphelin, la candidate a lâché son pupitre et s’est avancée face à ses militants, sous une lumière tamisée, pour déclamer une longue tirade sur son histoire personnelle, en forme de petites confessions intimes au coin du feu. « Maintenant mes amis, je vais prendre quelques minutes pour vous parler de moi ». Poids de la politique et du patronyme sur sa jeunesse, attentat à la bombe contre le domicile familial en 1976, méandres du divorce et de la monoparentalité : Marine Le Pen a choisi de « fendre l’armure » comme le veut l’expression consacrée, et a pour ainsi dire excellé dans l’exercice, au point de concentrer l’attention des commentateurs et d’obtenir un match nul dans son duel de meeting avec Éric Zemmour. Indéniablement, on venait d’assister à l’un des moments marquants de cette campagne somme toute moribonde.
Comment comprendre cet exercice tout à fait inédit dans l’histoire politique française ? À l’échelle politique, Marine Le Pen joue la carte de la personnalisation pour se démarquer de son adversaire principal. « Je pense que chacun a compris que celui qui agresserait l'autre serait sanctionné par une partie de ses électeurs potentiels qui votent pour un candidat nationaliste », déclarait le politologue et président de l’institut Pollingvox Jérôme Sainte-Marie au micro d’Europe 1. Ajoutons que leurs programmes étant dans les grandes lignes assez proches – quoique divergents dans leur teneur profonde et dans leurs orientations électorales – la candidate du Rassemblement national espère amener la confrontation sur un terrain qui lui serait favorable : celui de la personne. Alors que Zemmour est considéré comme un idéologue froid, intransigeant et brutal, Marine Le Pen joue la rondeur et l’apaisement pour se parer des atours d’une sorte de grande sœur de la nation. [...]
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