En novembre 2013, lors des débats sur la loi organique relative au référendum d’initiative partagée (RIP), vous épingliez férocement les faiblesses et les incohérences de ce mécanisme, et le qualifiez d’« usine à gaz ». Estimez- vous, dix ans après, que les conditions politiques ont suffisamment changé pour le rendre utilisable ?
En effet, le RIP est un système complexe à mettre en œuvre. Ceux qui l’ont intégré dans la Constitution avaient manifestement la volonté d’empêcher les Français d’y recourir facilement. Rien de surprenant quand on connaît le rejet quasi philosophique de nos dirigeants pour la démocratie directe et l’expression populaire, qu’il considère comme vulgaire, démagogique et dangereuse par essence. Mais face à ce gouvernement qui refuse obstinément d’organiser un référendum sur l’immigration, il est le seul outil juridique à notre disposition pour tenter d’imposer à Emmanuel Macron ce référendum tant attendu par les Français.
Lire aussi : L’escroquerie du RIP
Je constate que la procédure de RIP, déclenchée à l’initiative de la gauche, sur la privatisation d’Aéroports de Paris, a récolté plus d’un million de signatures sur un sujet pourtant beaucoup moins consensuel. Cette pression citoyenne a été tellement efficace que le gouvernement a fini par renoncer à cette privatisation. Ce succès m’a convaincue qu’il était possible de réunir 4,8 millions de signatures sur un enjeu aussi vital et consensuel que le contrôle et la réduction de l’immigration. Rappelons que dans toutes les enquêtes d’opinion, les Français sont entre 60 % et 80 % à vouloir réduire l’immigration !
Mais aucun parti ne pourra récolter 4,8 millions de signatures seul ?
J’en ai parfaitement conscience. C’est pourquoi j’ai proposé à Jordan Bardella, président du RN, Éric Ciotti, président de LR et Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, d’unir nos forces tout en restant autonomes et indépendants dans les moyens mis en œuvre pour cette collecte. Dans cette action, Reconquête ! peut mettre à disposition sa formidable force militante. Ensemble, nous pouvons relever cet immense défi et permettre au peuple français d’exercer enfin sa souveraineté. À l’exception de Nicolas Dupont-Aignan, dont je salue la cohérence, tous les autres ont refusé de s’associer à cette initiative. Je ne comprends pas leur refus alors que tous ont manifesté publiquement leur souhait de voir un référendum sur l’immigration être mis en œuvre.
Jordan Bardella a d’abord expliqué que cela ne servait à rien. Je trouve cet argument curieux alors que le RN avait soutenu le RIP sur la privatisation d’Aéroports de Paris.
C’est pourquoi j’ai proposé à Jordan Bardella, président du RN, Éric Ciotti, président de LR et Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, d’unir nos forces tout en restant autonomes et indépendants dans les moyens mis en œuvre pour cette collecte.
Pourquoi ce qui a pu fonctionner pour nos aéroports ne serait pas possible concernant l’immigration? Il a manifestement préféré s’en remettre à la bonne volonté d’Emmanuel Macron. Résultat, après les rencontres de Saint-Denis, le président de la République lui a fermé la porte au nez. Éric Ciotti a changé dix fois d’arguments. Un coup « c’était de la com », un coup ce n’était pas « la mesure appropriée », un coup « c’était infaisable ». Pourtant, même dans ses propres rangs, des députés LR, à l’instar d’Aurélien Pradié et de Pierre-Henri Dumont, étaient favorables à ce référendum d’initiative partagée sur l’immigration. Il a fini par expliquer que la bonne solution serait une révision constitutionnelle. Je ne nie pas qu’il faille une révision constitutionnelle sur le sujet de l’immigration, vraisemblablement par l’adossement d’une loi constitutionnelle à notre Constitution, mais il oublie de dire une chose : à l’heure actuelle, une révision constitutionnelle est beaucoup plus difficile à obtenir que le RIP. L’article 89 de la Constitution qui prévoit la procédure de révision constitutionnelle impose une majorité des 3/5e au Parlement. Aujourd’hui, cette majorité n’existe pas.
Ne faites-vous pas un pari risqué sur le civisme des parlementaires ? Autrement dit, ces derniers, quelles que soient par ailleurs leurs convictions sur le fond du problème et sur la légitimité de la méthode, ne risquent-ils pas de s’y refuser, pour des raisons partisanes et afin de ne pas vous faire un tel cadeau ?
Sur le papier, les 185 parlementaires nécessaires à l’activation de la procédure existent. Rien qu’aux LR, ils en ont 195. Si nous parvenons à récolter les signatures, je ne peux imaginer que ces parlementaires jettent à la poubelle, 4.8 millions de leurs concitoyens qui sont aussi leurs électeurs ! 77 % des électeurs LR, 95 % chez Reconquête et 96 % au RN souhaitent l’organisation de ce référendum… Surtout, nous pourrions nous concentrer sur une liste de propositions que nous avons en commun, dans les questions posées à l’occasion de ce référendum. Cette initiative a au moins le mérite de faire tomber les masques.
Estimez-vous que le Conseil constitutionnel, même dans l’hypothèse d’un raz-de-marée démocratique, laisserait passer une révision qui dépasse le champ d’application actuel de l’article 11 ?
À l’heure actuelle, il n’existe pas dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de définition claire des termes du champ d’application de l’article 11. Je constate qu’il n’y a pas de consensus aujourd’hui parmi les constitutionnalistes pour considérer que l’immigration est exclue du champ actuel. Rien, sur le plan juridique, n’exclut formellement l’immigration du référendum. Nous pouvons saisir la balle au bond !
Ne nous abritons pas derrière des querelles byzantines pour ne pas nous rejoindre sur l’essentiel : c’est au peuple de trancher la politique migratoire de la France et non aux juges non élus du Conseil constitutionnel. La politique, c’est l’art d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour imposer des thèmes dans le débat public, créer un rapport de force et contraindre le personnel politique à servir, d’abord, les intérêts du peuple français.
Ne craignez-vous pas que le peuple français, même s’il est d’après les sondages très hostile à une immigration massive et très favorable au principe d’un tel référendum, ne soit pas malgré tout trop abstentionniste, trop lassé, trop déçu pour se mobiliser ?
Comme je vous l’ai dit, 65 % des Français veulent un référendum sur l’immigration. Par ailleurs, je pense que l’une des causes de l’abstention massive aux différentes élections réside d’abord dans l’absence de démocratie directe. Oui, la pratique référendaire doit être restaurée et respectée et sera l’un des instruments qui permettront de renouer la confiance entre les Français et leur personnel politique. Je suis convaincue que nos compatriotes répondront massivement présent. Les très nombreux témoignages de soutien en provenance d’électeurs de droite et du RN sont autant de signaux qui ne trompent pas.
Lire aussi : Immigration : nos chers voisins
Dans l’hypothèse où vous obtiendriez le nombre de signatures requis, n’avez- vous pas peur de la chausse- trappe ultime prévue par la constitution, qui permet finalement de neutraliser le recours au référendum dès lors que la question a été examinée dans chacune des deux assemblées ?
Si la pression citoyenne a fonctionné et que la question est finalement examinée par les deux Assemblées pour renforcer notre arsenal juridique, sécuritaire et judiciaire contre l’immigration, nous aurons déjà remporté une grande victoire et fait avancer la cause des Français. Dans ces conditions, j’ai une fois de plus du mal à imaginer que le Parlement rejette une proposition de loi soutenue par 4,8 millions de citoyens. Ce serait une véritable forfaiture. Au fond, le RIP sur l’immigration est un moyen, parmi d’autres, de donner au peuple les moyens de se faire entendre auprès de son personnel politique. Ne nous privons pas de l’utiliser alors que chaque année, 400 000 immigrés supplémentaires arrivent sur notre sol. C’est la survie de la France qui est en jeu.