« Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci ». Cette belle citation, souvent et faussement attribuée à Paul Éluard, trouve dans son imprécise origine une parfaite illustration. On la retrouve dans les Œuvres complètes de Paul Éluard (p. 986, volume 1, édition de 1968) mais Éluard l’a en réalité empruntée à Ignaz-Vitalis Troxler, cité par Albert Béguin dans L’Âme romantique et le Rêve : « Il y a assurément un autre monde, mais il est dans celui-ci et, pour atteindre à sa pleine perfection, il faut qu’il soit bien reconnu et qu’on en fasse profession ». C’est ce que l’on peut appeler une « méta-citation », du préfixe grec ???? (meta) qui signifie « après », « au-delà de ». Il y a ainsi la métapolitique, la politique dans la politique, les métadonnées, qui sont les données dans les données ou encore, dernière création de notre postmodernité si délicieusement décadente, le « métavers », contraction de « méta-univers ». Selon le très savant Institute of Electrical and Electronics Engineers, un métavers est « un monde virtuel fictif, où des espaces virtuels et partagés sont accessibles via un univers en 3D ».
Après avoir été le fossoyeur des mondes virtuels, le géant Facebook lui offre peut-être l'occasion de ressusciter
L’invention n’est pas si neuve. Lancé en 1985, le jeu Habitat est sans doute le premier environnement multi-joueurs à vocation immersive, lancé par Lucas Arts sur Commodore 64. Les participants y étaient représentés par des avatars évoluant dans un monde virtuel. En 1993, Steve Jackson Games a lancé un MMO (massively multiplayer online) nommé The Metaverse. Il s’agit de la première utilisation commerciale du terme « métavers ». En 1997, Canal+ Multimedia et l’entreprise de jeux vidéo Cryo Interactive lançaient Le Deuxième Monde, qui permet aux joueurs d’évoluer, par le biais de leur avatar, dans une reconstitution de Paris en 3D, comportant même de vraies boutiques. Le Deuxième monde n’était en rien conçu comme un jeu vidéo mais bien comme un véritable univers virtuel, dont les habitants, qui se surnommaient entre eux les « bimondiens », pouvaient se retrouver pour vivre une véritable existence parallèle. Le Deuxième monde n’a pas connu une très longue carrière et l’expérience a pris fin en 2001 mais elle a fait des émules. Sorti en 2003, Second Life, produit par l’entreprise américaine Linden Lab, reprend trait pour trait les caractéristiques du Deuxième monde. Ce logiciel gratuit permet aux joueurs de faire évoluer leurs avatars dans un monde totalement virtuel et surtout, c’est la grande innovation de Second Life, de créer des objets ou des éléments architecturaux intégrés au jeu. Second Life existe aussi dans une version payante qui permet aux joueurs d’être crédités d’une certaine somme de monnaie virtuelle : le « dollar Linden », que l’on peut utiliser dans le jeu. […]
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