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Rattrapage : que faut-il voir ou fuir en DVD

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Publié le

7 juillet 2018

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SORTIE DVD

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Le cinéma c’est aussi les sorties VOD et DVD. On profite de l’été pour une session de rattrapage pour voir ou fuir les sorties ciné manquées.

 

 

LE RETOUR DU HÉROS : SUCCULENT

De Laurent Tirard

Avec Jean Dujardin, Mélanie Laurent, Noémie Merlant

 

 

Elle est droite, sérieuse et honnête. Il est lâche, fourbe et sans scrupules. Elle le déteste. Il la méprise. Mais en faisant de lui un héros d’opérette, elle est devenue, malgré elle, responsable d’une imposture qui va très vite la dépasser. Le retour du héros relève d’un genre depuis longtemps disparu mais que le cinéma français pratiquait avec succès dans le passé : le vaudeville en costume. Les vingt premières minutes font craindre le pire, en effet, la mise en scène atone, le montage mou et la lenteur du démarrage narratif confirment que Laurent Tirard (Molière, Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix) peine à retrouver son cinéma, celui qui nous avait tant fait rire dans son premier film: Mensonges et trahisons et plus si affinité. Mais au retour du héros, le film trouve un second souffle qu’on n’osait plus attendre. S’enchaînent alors à un rythme effréné morceaux de bravoure, ping-pongs d’acteurs et situations rocambolesques. On pense à Broca et Rappeneau. Les dialogues ciselés font mouche, la mise en scène devient précise, le duo d’acteurs s’en donne à cœur joie. Succulent.

 

 

L’APPARITION : BRILLANT

De Xavier Giannoli

Avec Vincent Lindon, Galatea Bellugi, Patrick d’Assumçao

 

 

Jacques, grand reporter pour un quotidien français, est mandaté par le Vatican pour participer à une enquête canonique sur une apparition de la Vierge Marie en France. En épousant le regard de cet homme sans cynisme ni croyance, libre d’a priori et mandaté par l’Autorité pour démêler le vrai du faux, Giannoli s’ampute intelligemment de tout procès d’intention, des sceptiques comme des convaincus, pour mieux dérouler son intrigue. Visite des archives du Vatican, enquête de terrain, interrogatoires… Très documenté et bien construit, le récit sonne juste et permet ainsi au spectateur d’entrer pleinement dans l’histoire.. Alors que la fameuse « apparition », exploitée par les marchands du temple et gouroutisée malgré lui par le curé local, apparaît de plus en plus comme une grande escroquerie, la rencontre d’Anna, la jeune fille qui affirme avoir vu la Vierge Marie, bouleverse toutes certitudes. Magnifiquement incarnée par Galatea Bellugi, la quête de vérité n’est plus alors de savoir s’il y a eu apparition ou non, mais pourquoi cette jeune fille touche autant par sa foi, son comportement et sa fragilité.  Par le cinéma, Xavier Giannoli réussit à nous faire voir quelque chose d’imperceptible. Quelque chose de beau et saisissant, qui touche l’âme et le cœur, aussi simple qu’un homme, un genou à terre , déposant une icone de la Vierge-Marie aux porte d’un monastère Syrien en reconstruction.

 

 

PHANTOM THREAD : UN GÉNIE PERVERS

De Paul Thomas Anderson

Avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville

 

 

Dans le Londres glamour des années 50, le célèbre couturier Reynolds Woodcock et sa sœur Cyril sont au cœur de la mode britannique, habillant la famille royale, les stars de cinéma, les héritières, les mondains et les dames dans le style reconnaissable de la Maison Woodcock. Avec Phantom Thread, Paul Thomas Anderson poursuit sa trilogie débutée avec There Will Be Blood sur l’homme tyran masochiste avec un art de la surprise délicieux. Comme Woodcock (Daniel Day-Lewis, le plus grand acteur de sa génération) aime dissimuler des petits messages dans les doublures des robes qu’il confectionne, le réalisateur américain s’amuse à cacher la perversité de son histoire derrière son cinéma aussi sophistiqué qu’élégant. D’un postulat romantique teinté d’un classicisme anglais à la Jane Austen, Paul Thomas Anderson amène habilement son film vers le thriller psychologique machiavélique hitchcockien pour mieux explorer les âmes et les comportements. Chez Paul Thomas Anderson, tout n’est que rapport de force, où les dominés finissent pas dominer. C’était la relation père/fils de There Will Be Blood, c’est la relation maître et muse ici. C’est retors, romantique, passionnel et névrosé à la fois. En somme, une histoire d’amour de psychopathes mais d’une audace folle où une simple scène de repas se révèle bien plus puissante que mille déclarations d’amour et bien plus funeste qu’une mise à mort.

 

 

STRONGER : GROSSIÈRETÉ ET ÉLÉGANCE

De David Gordon Green

Avec Jake Gyllenhaal, Tatiana Maslany, Miranda Richardson

 

 

En ce 15 avril 2013, Jeff Bauman est venu encourager Erin qui court le marathon : il espère bien reconquérir celle qui fut sa petite amie. Il l’attend près de la ligne d’arrivée quand une bombe explose. Il va perdre ses deux jambes dans l’attentat. Stronger est un film étonnant. Étonnant car en s’attaquant à un sujet mille fois vu outre-Atlantique – une tragédie nationale qui hisse un péquin lambda au rang de héros national malgré lui -, David Gordon Green réunit en un seul film une grossièreté pétaradante digne de Michael Bay et une pudeur élégante digne d’un Clint Eastwood. Au cinéma, tout est affaire de regard et c’est dans les scènes fortes que le réalisateur trouve la bonne distance. En épousant le point de vue d’Erin, la reconstitution de l’attentat est débarrassée d’une impudeur complaisante sans perdre sa puissance émotionnelle. Mais c’est à l’hôpital que David Gordon Green démontre ses talents de cinéaste. Sa caméra fixe les visages d’Erin et de Jeff, laissant en arrière-plan l’amputation, hissant ainsi l’enjeu sur la solidarité du couple. Malheureusement, la suite se gâte et le ton donné en ouverture mute en putassier jusqu’à devenir grotesque, voyeur et complaisant.

 

 

Lire aussi : Christianisme au cinéma

 

 

REVENGE : SÉRIE B JOUISSIVE

De Coralie Fargeat

Avec Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe

 

 

Trois riches chefs d’entreprise quadragénaires, mariés et bons pères de famille, se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra-sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres. Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme. Si Revenge s’affiche comme le porte-drapeau cinématographique de la vague néo-féministe reconvertie dans la filière porcine, il serait injuste de le limiter à cet aspect. Le deuxième film de la réalisatrice Coralie Fargeat est d’abord et surtout un authentique film de genre, un « survival » particulièrement jouissif. Les amateurs d’hémoglobine, de chairs meurtries et de second degré bien corsé, ces ingrédients indispensables de la série B, y trouveront leur compte parce que le film est malin, efficace, subversif et parfaitement exécuté. Mieux vaut que les autres passent leur chemin.

 

 

LADY BIRD : LA PETITE SŒUR DE JUNO

De Greta Gerwig

Avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts

 

 

Sortie de nulle part et auréolée d’une renommée fulgurante qui l’a vue glaner deux récompenses (meilleure comédie et meilleure actrice dans une comédie) aux Golden Globes, l’antichambre des Oscars, Lady Bird débarque cette semaine sur nos écrans. Christine « Lady Bird » McPherson est une adolescente rebelle tendance excentrique, en conflit avec sa mère, qui rêve de s’échapper d’un lycée trop rigide pour son esprit fantasque et d’une ville trop petite pour grandir. En somme un teen-movie au genre éculé et au programme tout tracé, celui d’une jeune fille qui rejette tout jusqu’à son nom à la veille de devenir femme. Et pourtant Lady Bird surprend et charme. Il surprend par la construction de ses scènes comme lorsque Lady Bird , ferraillant violemment avec sa mère, saute brusquement de la voiture en marche. Il charme par son écriture vivante et l’extrême attention qu’il porte à ses personnages. Tous ont une véritable place dans la narration, existent indépendamment des autres, même les plus éphémères, mais révèlent chacun ce que les autres tentent de cacher. Une délicieuse alchimie qui permet à la réalisatrice de photographier avec délicatesse tous les contours de cet âge empoté et gracieux qui doit tour à tour surmonter l’anxiété de classe, les conflits familiaux, les sentiments d’incompréhension, les premiers amours et cet insatiable besoin de prendre son envol. Petite sœur de JunoLady Bird est un personnage haut en couleurs qui tranche avec les teintes granuleuses et sépias, et enchante sur une tonalité douce-amère parsemée de mélancolie. Une belle surprise !

 

 

LA FORME DE L’EAU : UNE GROSSE BARBE À PAPA

De Guillermo Del Toro

Avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Richard Jenkins

 

https://www.youtube.com/watch?v=e5AW-_ZPpDg

 

Avec La Forme de l’eau, Del Toro nous plonge au cœur de l’Amérique des années 60, en pleine révolution culturelle et hantée par la menace d’une guerre nucléaire, perpétuant, comme dans chacun de ses films, la mise en scène fantasmagorique des dangers moraux et matériels qu’encourt un monde rongé par la corruption, l’autoritarisme et la guerre. Au franquisme du Labyrinthe de Pan répond la guerre froide dans La Forme de l’eau. « Le cinéma, c’est l’écriture moderne dont l’encre est la lumière », écrivait Cocteau. De ce point de vue, La Forme de l’eau est éblouissant. Porté par une photographie expressionniste sublime et d’une netteté si remarquable qu’on pourrait en analyser le moindre détail, le film embarque le spectateur dès l’ouverture dans ses amples mouvements de caméra à la rencontre des personnages et de leurs mondes. Les décors opposent leurs courbes à des hommes inflexibles, l’appartement de la mystérieuse et muette Elisa ressemble à un aquarium avec ses éclairages froids et son code couleur cyan, tandis que celui de Gilles, son vieux voisin homosexuel, est baigné de tons chauds et rassurants. Tout est codifié. Et c’est bien là le problème. Del Toro nous rejoue la confrontation entre l’homme monstrueux et le monstre humain, relayant cette fois-ci le propos convenu de défense des minorités. C’est l’alliance d’Elisa, Zelda et Gilles, une handicapée, une noire et un homosexuel, qui permettra de venir à bout du mal incarné par l’homme blanc et sa famille traditionnelle. Certes, le réalisateur mexicain esquisse quelques idées de cinéma, comme lorsqu’Elisa, ne sachant comment déclarer sa flamme à cette créature qui ne connaît que six mots, se met alors à chanter. C’est bien peu. Lorsqu’on emploie la forme du conte pour dénoncer les travers d’une époque, il faut être certain, scénaristiquement et cinématographiquement, d’assumer jusqu’au bout l’ambition de son propos. Malheureusement, Del Toro n’a pas grand-chose à dire sinon que « l’amour est plus fort que tout ». Un peu court. En injectant un peu de cul et d’hémoglobine, le réalisateur pense masquer sa puérilité. Si filmer une branlette dans une baignoire suffisait à faire adulte, Marc Dorcel dépasserait Fellini. Mais ce n’est pas en filmant Elisa se chatouiller l’entrejambe ou l’amphibien dévorer un chat que sera dépassée sa puérilité fondamentale. La Forme de l’eau n’est qu’une barbe à papa. À première vue, un truc énorme, mais qui fond pour ne laisser presque rien dans la bouche.

 

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