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Redford : le dernier vol du Condor

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Publié le

17 septembre 2025

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Avec Robert Redford, c’est tout un pan de la mémoire du cinéma américain qui vient d’être emporté. Sex symbol, acteur surdoué, fondateur du festival de Sundance, Robert Redford incarne à lui tout seul la fin d’un second âge d’or. Retour sur quelques éléments-clé de sa carrière.
© Out of Africa

Pour beaucoup de femmes, Robert Redford, c’était tout simplement « Robert ». L’acteur américain qui vient de disparaître à l’âge vénérable de 89 ans était presque entré dans leur intimité, avec sa belle gueule qui était celle de l’Amérique telle qu’on la fantasmait à la fin des années 70 : mâchoire carrée, regard clair, prestance inimitable. Une gravure de mode, Robert ? Il est vrai qu’il était encore plus américain que les autres, ce pur Californien élevé au grain, à tel point qu’au début de sa carrière, victime de sa trop-belle-gueule, il fera à peu près tout pour ne pas incarner ce cliché – et ce malgré les propositions des studios, toujours avides de faire rentrer les acteurs dans des cases.

À ce titre, on pourrait dire que Redford, c’est presque la dernière incarnation de l’Américain parfait, après James Stewart ou Cary Grant, avec qui il partage cette même obsession, justement, de n’être pas salué pour sa perfection… mais pour leurs dons réels de comédien, et qui passeront leur vie à essayer d’écorner une image de papier glacée. D’ailleurs, Redford n’a d’yeux, à ses débuts, que pour Broadway et son intelligentsia arty et décalée. Il se rêve acteur, et il montre d’ailleurs un immense talent lorsqu’il s’agit de sortir de son physique, de s’inviter sur une zone grise qu’on n’attend pas forcément, parfois à la limite du burlesque – comme dans ce premier film que personne n’a vu parce que les critiques l’ont souvent ramené à une bluette, mais où l’acteur livre déjà une partition complète, sorte d’ange rêveur tombé du ciel dans un needle park new-yorkais (Barefoot in the park).

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Le Californien se rêve new-yorkais, et s’il se fait connaître pour Butch Cassidy et le Kid, western crépusculaire et matois qui annonce le Nouvel Hollywood, son goût personnel le guide plutôt vers les drames psychologiques, vers les portraits intimistes – son premier film en tant que réalisateur était déjà une forme d’épitomé du « drame psychologique ». Couronné par l’Oscar du Meilleur Film au nez et à la barbe de Raging Bull, Des Gens comme les autres n’a certes pas la puissance scopique évocatrice d’un Scorsese mais flirte avec le meilleur du cinéma réaliste de son temps, portraitisant déjà une Amérique WASP avec la rigueur cérémoniale d’une pièce d’Ibsen. Bien sûr, l’autre versant de Redford, le versant californien, rejaillit toujours avec plus de force, comme rappelé à l’ordre par son Zeitgeist : c’est celui de Jeremiah Johnson, probablement une des meilleures prestations de l’acteur, où il parvient à mélanger un jeu naturaliste et parfois ouvertement burlesque, inspiré par le muet, ou encore des Trois Jours du Condor, évidemment, où l’Américain-type qu’il incarne devient presque peu à peu une figure kafkaïenne, celle de l’homme en proie à une machine-État qu’il ne comprendre plus et à laquelle le visage presque chevaleresque de Redford donne toute sa dimension tragique.

Le parcours de Redford, américain total, c’est donc avant tout cet aller et retour constant entre la côte ouest et la côte est, entre un pays qui rêve sa mythologie et un pays qui la culbute. Bien sûr, sa collaboration fructueuse avec Pollack, qui culminera dans un duo amoureux mythique, celui d’Out of Africa, restera peut-être l’image d’Épinal avec lequel on l’enterrera. Mais sans oublier les autres visages, multiples, du comédien au regard bleu de Prusse. Bon vent, Visage Pâle.

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