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[Reportage] Le chemin de croix de l’Arménie 

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8 novembre 2022

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Alors que l’OSCE enquête sur les crimes de guerre de l’armée azérie, nous avons rencontré une famille de la région arménienne orientale du Syunik qui a perdu un fils au combat. Dans une école désaffectée de la ville de Goris, des miliciens s’entraînent au maniement d’armes, certains que les « Turcs » de Bakou reviendront pour les exterminer.
milice

L’hôpital de Goris sent la guerre. Au bout d’un couloir silencieux, un portrait de Monte Melkonian, ce héros arménien des combats en Artsakh, monte la garde dans son treillis camo derrière le bureau du docteur Avakian. Pas facile de parler à un médecin dans ce pays. Encore moins d’avoir des nouvelles des blessés des derniers combats après les bombardements par l’Azerbaïdjan du 12 septembre qui ont fait plus de 200 morts et 300 blessés en deux jours.

Le fonctionnaire a l’air surpris de voir un journaliste s’aventurer dans cette région jadis touristique du Syunik, à quelques kilomètres de la frontière iranienne et à portée de tir des batteries azéries. Erevan est à cinq heures de route, de brouillard et de pas mal de lacets. Pris en étau entre l’Azerbaïdjan à l’Est, l’enclave colonisée du Nakhitchevan au Sud- ouest et l’Iran au sud, le district de Goris, son peuple fier et sa terre généreuse, font des jaloux. 

Surtout chez son voisin azéri qui n’a, depuis la fin de l’URSS, qu’une obsession : ouvrir un corridor, faire sauter le verrou du sud à coups de canon de préférence, et avec lui ces chrétiens obstinés qui défient la grande Turquie et son vassal revendiquant « une nation, deux États ». À croire que le génocide de 1915 ne leur a pas suffi. Cent ans après, rien n’a changé.

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Trois drapeaux rouge-bleu-abricot trônent devant l’écritoire fatiguée du médecin chef. Cette année, il a honoré sans faste le 21 septembre, jour endeuillé de la fête nationale. « Vous êtes français ? La France est l’amie de l’Arménie », lance-t-il. Vraiment ? Notre diplomatie à l’égard de l’Arménie fait pourtant peine à voir. 

L’occasion de se rappeler les massacres de deux cents à trois cent mille Arméniens, vingt ans avant le génocide de 1915, par « le sultan rouge » Abdulhamid II. Génocide avant l’heure du peuple arménien oublié de ses soutiens européens et de la France qui, à l’époque, n’en déplaise à notre médecin francophile, avaient déjà tendance à avoir l’amitié généreuse quand elle n’engageait à rien, fût-elle déclarée avec flamme par le camarade Jean Jaurès à la tribune de l’Assemblée. 

Depuis, le pays a fondu, le confetti de l’Artsakh est en sursis, coupé de sa continuité territoriale avec la mère patrie, ses mêmes ennemis sont devenus riches, puissants et craints grâce aux ventes de gaz, notamment à l’UE qui ont bondi de 30 % en un an ! Soupçonné de corruption à grande échelle au sein de l’Union européenne, notre nouvel ami Ilhham Aliyev, despote désormais fréquentable, peut dépecer sans risque ce qui reste de l’Arménie. 

En Arménie, les groupes paramilitaires ont une réputation moins sulfureuse qu’en France, encore épargnée par l’invasion néo-ottomane, mais restent discrets et se méfient de la presse. (© Claude Corse pour L'Incorrect)

Regroupés dans une aile de l’hôpital, les soldats blessés restent invisibles. On sait que des tortures ont été perpétrées par des commandos azéris fiers d’exécuter des prisonniers en uniforme et désarmés, de piétiner des cadavres, de violer et de démembrer leurs victimes au couteau, comme Anush Apetyan, cette infirmière capturée près de Jermuk, martyrisée et offerte en pâture aux réseaux sociaux. Entretemps, les images terribles de la barbarie azérie ont été authentifiées : ces crimes de guerre filmés sans scrupule ont ému la communauté internationale, qui a fini par dépêcher une mission d’évaluation de huit semaines sous l’égide de l’OSCE. Opération limitée au territoire arménien, faute d’un accord des autorités de Bakou pour enquêter de l’autre côté des deux cents kilomètres de frontières. [...]

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