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[Théâtre] Jeanne, ses juges, et nous

Le meilleur des mondes est déjà là, mercantile, déshumanisé et féroce. Fabrice Hadjadj en imagine les développements logiques et suscite la figure de Jeanne d’Arc à son procès pour nous dire qu’il nous appartient de résister sans attendre que les puissants s’engagent.

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© Jeanne et les posthumains de Fabrice Hadjadj

Il sera une fois la DéMo, la démocratie mondiale. Tout ne sera plus que paix, clonage, productivité et divertissement. Libérés de différents soucis, comme se reproduire, avoir des convictions et penser, la posthumanité vivra un rêve éveillé : programmés avant leur naissance, accouchés depuis des utérus artificiels, assistés en permanence, euthanasiés à point et compostés responsablement, les posthumains connaîtront enfin le paradis terrestre où toute douleur peut être effacée des mémoires et où le métavers permet toutes les rencontres et toutes les fusions.

Mais dans la pièce de Fabrice Hadjadj, Jeanne et les posthumains, tout se détraque ! Voilà qu’une jeune femme, Joan 304, employée chez ArkMarket, a conçu naturellement, horresco referens ! un enfant, avec l’aide prétendument involontaire d’un homme, le tout sur les conseils d’un « ange ». Comment diable cette caissière (excellemment interprétée par Jeanne Chauvin), conçue pour être servile, a-t-elle pu ainsi contester son déterminisme, affirmer l’animalité de l’humanité, prétendre qu’un monde spirituel existe objectivement et même qu’un humain peut exister sans être assigné à une tâche utile ?

Lire aussi : Fabrice Hadjadj : « Un peuple pose des actions à la mesure de ses chants »

Il faut juger Joan d’Ark, lui faire avouer son crime, lui faire comprendre que son ange n’est qu’une manifestation d’un trouble psychique ou la preuve d’une manipulation sophistiquée par les ennemis de la démocratie, il faut qu’elle consente à renoncer à elle-même. Nous assistons aux interrogatoires de Joan 304, plus feutrés que ceux que subit Jeanne d’Arc mais non moins hargneux : Vito 633 et Corolla 47 sont tout à la fois intrigués, inquiets et furieux (les acteurs réussissent parfaitement à être tout à la fois tendus par l’épreuve et conformes à l’autorité bénigne qu’ils représentent). Ils veulent que Jeanne rentre dans le rang. Qu’ils l’accusent d’être folle (Vito) ou complice malgré elle d’ennemis inconnus (Corolla), la démarche est la même : elle doit abjurer, reconnaître que ce qui la meut est un mensonge, elle doit abdiquer sa volonté et sa liberté pour réintégrer la loi commune, celle du marché qui a réglé le monde comme on organise une usine. [...]

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