En quoi est-elle étonnante, et comment peut-on interpréter le conte enfantin et universel de Perrault sans en trahir l’esprit? C’est la démonstration que fait Pommerat. Franchi le premier obstacle, et seul défaut de la création, une voix off à l’accent féminin italien importun et inutile, le spectateur assiste à la mort de la chère maman de la « toute petite fille » qui croit l’entendre prononcer ces dernières paroles: «Ma petite fille, quand je ne serai plus là, il ne faudra jamais que tu cesses de penser à moi. Tant que tu penseras à moi tout le temps sans jamais m’oublier… je resterai en vie quelque part ».
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C’est ainsi que la jeune Sandra, rapidement renommée « Cendrier » par les méchantes filles de sa méchante marâtre, se met en tête de ne plus jamais ne pas penser à sa mère et se munit d’une affreuse montre-réveil destinée à le lui rappeler toutes les cinq minutes. C’est aussi pour se punir de ses rares oublis que Sandra accepte de devenir Cendrier, c’est-à-dire la bonne de la gigantesque maison de verre où elle habite désormais avec son père transparent et fumeur, sa monstrueuse belle- mère, bouffi narcisse, et donc les deux pestes instagrameuses qui ont raté leurs filtres. Rien n’est trop sale, rien n’est trop violent pour l’habitante de la cave qui est devenue la gardienne de l’existence de sa mère. Terrible quiproquo qui fait de la fille orpheline la mère de l’image de sa mère. [...]
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