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« Tron : Arès » : lost in the Shell

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Publié le

9 octobre 2025

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Hollywood retient son souffle avant le raz-de-marée de l’IA qui menace d’ébranler ses fondements. En attendant, quelques blockbusters comme ce Tron : Arès explorent cette impossibilité presque systémique à sortir de la matrice des eighties. Intéressant et vain à la fois.
© Tron : Arès

La machine hollywoodienne sortira-t-elle un jour de la matrice des années 80 ? C’est toute la question que pose ce troisième opus de la franchise Tron, initiée en 1982 et déjà sous la houlette de Disney Pictures. Un film qui avait marqué les esprits, à l’époque où Disney se voulait encore prescripteur en matière d’audace visuelle et technologique. Presque vingt ans avant Matrix, Tron évoquait la « grille » (« the grid » en VO) soit un univers virtuel dans lequel les personnages étaient plongés, via des effets spéciaux révolutionnaires pour l’époque (et une D.A somptueuse en partie assurée par notre Jean Giraud-Moebius national). La suite, Tron : L’héritage, réalisée en 2010 par Joseph Kosinski, restera surtout dans les mémoires pour sa musique signée Daft Punk (et pour une Olivia Wilde tout à fait à son avantage dans l’uniforme moulant des spadassins numériques).

En lançant ce projet de 3ème volet, Disney mise beaucoup (près de 200 millions de dollars, tout de même, une paille) et compte sur cette éternelle nostalgie des années 80 qui semble encore gouverner toute l’industrie du divertissement. Comme son prédécesseur, Tron : Arès ne brille pas par son scénario, ici d’une crétinerie particulièrement confondante : soit deux géants de la tech – une gentille chinoise, un méchant white male – qui se font la guerre dans une mégalopole anonyme pour un mystérieux « code de permanence » – qui permettrait aux entités virtuelles de durer dans notre monde réel. Le tout avec l’aide d’une imprimante 3D next-gen qui peut créer n’importe quoi, de l’androïde à l’exosquelette en passant par un planeur tactique allègrement pompé sur le récent The Creator. Avec un tel postulat, pas évident de créer de la dramaturgie, puisque tout est à peu près possible – ce qui est également le cas des films Marvel et de leurs multivers qui sont autant d’empêcheurs d’histoire.

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Mais c’est précisément là que Tron : Ares se révèle finalement intéressant : comme on parlait autrefois d’un « système de jeu » pour évoquer l’architecture interactive d’un jeu vidéo, il faudrait parler ici d’un « système de film » davantage que d’un scénario puisque ce troisième opus constitue la déclinaison ultime du film-hybride fantasmé par Hollywood à l’aube de la nouvelle révolution technologique qui menace de tout emporter sur son passage : l’Intelligence Artificielle. Film hybride, Tron : Ares est basé sur deux ou trois principes de mise en scène qui rebootent constamment, comme victimes de bégaiement, conférant au métrage la qualité efficiente d’un jeu vidéo, mais encore plus, d’un univers augmenté où le sujet et l’objet sont devenus parfaitement interpolés.

Le résultat, c’est presque une expérience ASMR pour les fans des années 80 et de l’esthétique synthwave : porté par la musique passive-agressive de Trent Reznor, par ces travellings hypnotiques qui explorent la Grille, univers gnostico-cauchemardesque dans lequel le méchant entrepreneur règne comme un Démiurge envieux et jaloux, rappelant les sombres présages du Dieu Venu du Centaure, et surtout par cette économie du sillage qui a fait la popularité de la franchise – véhicules et corps laissant derrière eux des traces fluorées qui impriment durablement la rétine – Tron : Ares est une sorte de capsule sensitive, de vortex abrutissant dans lequel tournoient sans cesse les mêmes références, repassant sur quelques images culte du cinéma des années 80 – dont un hommage à la scène de poursuite d’Akira qui est sans doute un des beaux plus moments de la première bobine, rappelant si besoin était à quel point le film de Katsuhiro Otomo reste encore aujourd’hui le film cyberpunk ultime. Et jusqu’à ce climax où notre répliquant christique (Jared Leto) se retrouve prisonnier d’une ancienne grille datant des années 80, à l’esthétique Atari, pour se faire sermonner par un Jeff Bridges cabotin qui reprend son rôle de scientifique allumé. Hollywood, plus que jamais, c’est l’art du rétro-engineering.


Tron : Ares, de Joachim Ronning, avec Jared Leto, Greta Lee, Evan Peters…, 1h59, sortie le 8 octobre.

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