Début octobre, Christine and the Queens, devenu·e Chris en 2018, mais de son vrai nom Héloïse Letissier, provoque un tollé sur les réseaux sociaux après avoir indiqué sous sa photo Twitter vouloir être appelé·e Rahim. Objectif de l’opération: défendre la minorité opprimée arabo-musulmane. Pourtant « pansexuelle » et « non- binaire », au look androgyne et ayant pour pronom « iel », compagnon·ne de longue date de la cause « 2SLGBTQQIA+ » (dixit Justin Trudeau) et donc non-soupçonnable de quelconque oppression, Héloïse-Christine-Chris-Rahim est vilipendé·e sur les réseaux sociaux par la fine fleur des progressistes qui l’accuse de « transracialisme » (revendiquer une identité raciale différente de son origine ethnique de naissance) et d’« appropriation culturelle » (utilisation des éléments d’une culture par les membres d’une autre culture). Dieu soit loué, « iel » trouve vite la parade à ce « shitstorm » en se renommant « Sam le pompier », puis « . ». Juste « point ».
Le wokisme n’est en vérité qu’un sac de nœuds qui échoue à la condition première de tout système philosophique : le principe de non-contradiction
« Toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage », remarquait Joseph de Maistre dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg. Et de fait, le paragraphe qui précède suffit à indiquer le degré de folie et de décadence qui nous frappe.
Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur le fond: d’abord que la gauche radicale avalise parfaitement le propos zemmourien sur l’identité culturelle du prénom (et ajoute l’ethnie) ; ensuite qu’ils refusent à un blanc cette « appropriation culturelle » que les racisés pratiquent en permanence, car Rokhaya Diallo s’habille semble-t-il à l’occidentale et l’actrice Halle Bailey jouera La Petite Sirène d’Andersen. Christine a surtout mis le doigt sur un point de tension fondamental : les wokes prônent l’identité multiple, fluide, indéterminée – l’identité qui ne peut donc être identifiée – en matière de sexe, de genre et d’orientation sexuelle, mais ne l’acceptent plus lorsqu’il s’agit des problématiques ethno-culturelles. Au nom même de la lutte contre les discriminations, Christine a donc péché par excès de fluidité car il serait trop facile pour le blanc d’échapper à sa responsabilité de raciste historique s’il lui suffisait de se déclarer « racisé de cœur » : les wokes y perdraient leur aliment eschatologique. La théoricienne de la « fragilité blanche » Robin DiAngelo le dit elle-même : en tant que blanche, elle ne cessera, malgré sa bonne volonté et ses rééducations successives, d’être coupable. Problème pourtant, certains wokes revendiquent le transracialisme car, et l’argument paraît sensé, pourquoi pardi se plier à l’assignation raciale après s’être émancipé des autres carcans naturels ? Le wokisme n’est en vérité qu’un sac de nœuds qui échoue à la condition première de tout système philosophique : le principe de non-contradiction. [...]
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