Yannick Haenel a toujours défendu une vision sacerdotale de la littérature, attribuant à cet art une perspective métaphysique, et cela autant au sein de la revue Ligne de risque qu’il a fondée en 1997 avec François Meyronnis, que dans ses premiers romans, tous chargés d’épiphanies, de révolutions intérieures, de dérives lumineuses, comme Cercle, qui le fit connaître en 2007. Se réclamant des romantiques allemands et des surréalistes, d’Artaud, Bataille et Lamarche-Vadel, Haenel descend aussi de Chrétien de Troyes et des premiers romanciers français multipliant les quêtes, les merveilles, la tension érotique et les apparitions, thèmes qu’il parvient à rejouer dans l’espace le plus contemporain qui soit, comme dans ce Trésorier-payeur, où notre écrivain s’intéresse à l’univers qu’on penserait le plus opposé possible à son imaginaire. Une gageüre remarquable, donc, que l’auteur s’est mis en tête de relever après s’être lui-même confié au hasard.
Un beau dispositif
Dans la première partie du livre, Haenel rapporte sa participation à une exposition, en avril 2015, organisée dans les locaux de l’ancienne Banque de France à Béthune, transformée depuis en centre d’art, et que la nouvelle directrice des lieux voulait consacrer à la notion de dépense chez Bataille, histoire que la mue s’opère au sein d’une cohérence ironique. C’est à cette occasion que l’écrivain se passionne pour un ancien employé qui aurait été surnommé « le trésorier-payeur », et qu’il lui consacre une salle en la meublant d’un grand désordre et de quelques fétiches. [...]
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