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Ontologie du complotisme

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Publié le

5 novembre 2020

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On peut s’interroger légitimement sur l’apparition du mot « complotisme » dans la culture populaire comme dans la réflexion historiologique. Pierre-André Taguieff le relève pour la première fois dans l’œuvre de Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, paru en 1945 : le philosophe y critique l’historicisme et condamne ce qu’il appelle la« théorie sociologique du complot », l’assimilant à un « type primitif de superstition » qu’il met en regard avec la sécurisation de la société.

On trouve dès le départ cette idée que le complotisme est un retour du refoulé causé par la mort de Dieu. En évacuant le caractère sacré et la possibilité de transcendance, qui étaient à la base des grands monothéismes, le monde est brutalement retombé dans une forme de minéralisation, de durcissement qu’il a fallu ventiler à nouveau avec de tristes palliatifs spirituels : le complot est aussi un moyen de ré-enchanter le monde – fût-ce par le cauchemar – de lui redonner un double-fond, une prothèse capable de soutenir ses apories, une gouttière adaptée à ses nouvelles fluences.

L’Âge des Ombres

Pour l’historien Jean-Noël Tardy, c’est au XIX e siècle et dans le sillage du prométhéisme révolutionnaire que s’est créé « l’âge des ombres », c’est-à-dire le moment précis où la politique, désentravée d’un certain joug théologique et moral, se répand dans des sociétés secrètes, dans des « carbonarismes » et autres conventicules à basse température, à une époque où le spiritisme, l’occultisme et tous les avatars de ce que Philippe Muray appelle le « nécro-socialisme » font leur apparition. Dans les salons littéraires et scientifiques, on s’intéresse autant au radium qu’aux ectoplasmes, on se grime, on s’encape, on croise Marie Curie et Papus dans les mêmes boudoirs enfumés. À ce moment précis naît le fantasme d’une politique transversale, nourrie par des influences supra-gouvernementales, et dédiées à répandre une nouvelle Foi. Le scientisme et l’occultisme travaillent de pair à élaborer une nouvelle mythologie, celle du Progrès, dans laquelle déjà se blottissent les fétiches industriels, les nouvelles marottes de l’espace public : de là viennent les premiers meurtres en série, les premières cabales, les premières affaires de lynchage médiatique.

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