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L’interdiction d’accès aux plages françaises, qui peut sembler anecdotique à beaucoup, est en fait un intéressant symptôme du fonctionnement – ou du dysfonctionnement de l’État, et ce dans de nombreux domaines.
Les plages, on le sait, ont été interdites d’accès à tous les Français dès les débuts du confinement. Mais il faut entendre ici non seulement les plages au sens strict, mais aussi tout l’espace littoral. L’arrêté du préfet de la Manche, par exemple, interdit ainsi « l’accès aux plages, chemins, sentiers, espaces dunaires, forêts et parcs situés sur le littoral », comme « la fréquentation de l’ensemble des espaces publics artificialisés du littoral : les ports, les quais, les jetées, les esplanades, les remblais et les fronts de mer ». Ces interdictions s’ajoutaient donc à celle de dépasser la distance d’un kilomètre par rapport à son lieu de confinement – si l’on habitait à moins d’un kilomètre d’une plage ou d’un port on n’était pas autorisé à y accéder.
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Pourquoi cette interdiction renforcée, qui n’aura frappé que très peu d’autres sites (les forêts des Yvelines par exemple) ? On a tout dit, et ce sera notre premier symptôme, de l’ineptie qu’il y avait, sur le plan sanitaire, à interdire l’accès à des espaces naturels quels qu’ils soient, y compris les parcs et jardins urbains ou les cimetières, pour peu que les visiteurs y respectent la maintenant fameuse « distanciation sociale ». Cette ineptie n’est que plus évidente encore à interdire totalement l’espace littoral, y compris pour ceux qui habitent à proximité.
On peut y voir ensuite, deuxième symptôme des dérives étatiques, la preuve d’une vision totalement fantasmée de ce qu’est « la plage » chez les décideurs : celle d’estivants parisiens pour qui, de la convivialité bobo des plages de l’Ouest à la promiscuité de celles du Midi, la plage mènerait en quelque sorte nécessairement à une proximité qui rappellerait les zones de reproduction des pinnipèdes. C’est oublier que l’ensemble du littoral que l’État a ainsi interdit est peut-être cette zone de convivialité estivale, mais aussi bien autre chose pour ceux qui en usent en permanence : une zone de farniente et de rêverie ouvrant sur l’infini, d’activités physiques ou sportives – du surf au char à voile -, et même de prélèvements, avec la pêche, à pied ou du rivage. Le littoral, n’en déplaise à nos décideurs, c’est bien plus que les soirées huîtres des Petits mouchoirs, les planches de Deauville ou les starlettes de Cannes.
Cette dernière nous amène à un quatrième symptôme ici révélé, l’impact du pseudo égalitarisme à la française. Égalitarisme d’abord. Puisque tout le monde souffrait du confinement, il semblait indécent à certains que l’on puisse diffuser les images de promeneurs se promenant librement sur les plages.
Certes, les choses avaient mal débuté : on se souvient en effet de l’indignation de certains devant les images de Parisiens « exilés » à Belle-Île dans une ambiance de vacances. Mais nous tombons ici, et ce sera notre troisième symptôme, dans un travers typiquement français, celui de la punition collective. Peu soucieux en effet de ne sanctionner que les vrais coupables – et moins encore quand ces comportements sont essentiellement venus de « leur » monde -, les dirigeants ont préféré l’interdiction générale et absolue.
Cette dernière nous amène à un quatrième symptôme ici révélé, l’impact du pseudo égalitarisme à la française. Égalitarisme d’abord. Puisque tout le monde souffrait du confinement, il semblait indécent à certains que l’on puisse diffuser les images de promeneurs se promenant librement sur les plages. Ils oubliaient simplement que les différences de situation entre les riverains des plages et les autres justifiaient parfaitement une telle différence de traitement. Et pseudo-égalitarisme ensuite, car on prive de l’accès à un espace public, plages ou autres, ceux qui ne disposent que de lui, alors même que d’autres continuent de profiter des avantages de leurs espaces privés. Et c’est ainsi qu’en interdisant la marche en forêt… mais pas dans le parc de la propriété, ou de s’allonger au soleil sur le sable de la plage… mais pas au bord de la piscine, on transforme des inégalités tout à fait légitimes en insupportables injustices.
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Le pire est qu’au moment du déconfinement, alors que les golfs retrouvent leurs joueurs et que les plaisanciers peuvent sortir en mer, quand forêts et parcs sont enfin ouverts, le littoral est encore zone interdite. Nous retrouvons ici le premier symptôme évoqué, celui de l’incohérence absolue des mesures prises, et, sous la pression de leurs administrés, nombre d’élus sont montés au créneau et ont demandé l’ouverture des plages. Or les modalités retenues représentent un cinquième symptôme de dysfonctionnement, l’État restant dans un grand écart entre le transfert de la responsabilité aux élus locaux et le maintien d’un contrôle au centralisme inadapté. Il appartiendra en effet aux maires de demander l’ouverture des plages de leurs communes, mais c’est le préfet, après analyse des règles mises en place par ces mêmes maires pour permettre la distanciation sociale sur cet espace, qui valideront – ou pas – cette ouverture.
On évoque pour permettre cette validation la mise en place de « sens de passage » avec « entrées et sorties », ou l’obligation à un « usage dynamique » de la plage (avec sans doute, comme devant les joyaux de la Couronne, l’interdiction de s’arrêter)… Outre que c’est, là encore, pensé pour quelques plages recevant beaucoup de monde, et non pour les immenses espaces vides que représentent toutes les autres, il est clair que l’on va ainsi, et ce sera notre sixième symptôme, multiplier de petites règles aussi imbéciles qu’inutiles, quand il aurait été si simple de ne contrôler – et éventuellement sanctionner – que les atteintes à la distanciation sociale.
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Ce qui nous conduit, pour conclure, à une question sur ce qui pourrait bien être un septième et dernier symptôme du dysfonctionnement de l’État : et si toutes ces mesures, plus ou moins aberrantes et vexatoires, n’avaient finalement d’autre intérêt que d’habituer les Français à obéir sans réfléchir à n’importe quelle consigne ?
Il est encore trop tôt pour faire un bilan de ce qu’aura pu révéler la crise sanitaire du Covid19, mais résumons les symptômes ainsi rencontrés en flânant – virtuellement ! – sur nos plages : incohérence des décisions prises, erreur manifeste d’appréciation de leur adaptation au but recherché, incompréhension du monde réel par des politiques qui sont dans l’entre-soi et n’entendent pas les remontées de terrain, choix systématique de la punition collective pour mieux épargner les vrais coupables, flatterie de l’égalitarisme ambiant tout en sachant conserver ses privilèges cachés, centralisation inutile ne cédant que pour transférer d’épineuses responsabilités aux pouvoirs locaux, inflation normative servant une volonté de briser tout sens critique… La plage, finalement, c’est beaucoup plus que la plage.
Christophe Boutin
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