Léon Spilliaert, qui fait enfin l’objet d’une exposition exhaustive au musée d’Orsay, incarne à merveille ce génie belge, entre symbolisme chatoyant et réalisme fantastique : sa peinture évoque tout l’impensé d’un Occident parvenu à ses fins par l’industrie mais qui voit bientôt revenir, par l’effet d’un violent larsen, toutes les métamorphoses fatales de son inconscient défriché. Alors, Spilliaert est-il le dernier grand Belge ? Marc Obregon en semble en tout cas convaincu.
OUI. IL INCARNE L’ESPRIT D’OSTENDE
Qui a connu les plages désertes d’Ostende, son ciel d’un gris uniforme qui épuise l’horizon, ses lavis pluvieux qui semblent détremper la ville, qui a erré dans ses rues où plane encore l’âme mélancolique d’une station balnéaire qui fut prestigieuse et où se pressaient les têtes couronnées d’Europe, celui-là saura apprécier Spilliaert à sa juste mesure. Le peintre belge est natif de cette ville et y a même passé l’essentiel de sa vie – si l’on excepte quelques courts séjours à Bruxelles. Comme pour Rodenbach avec Bruges ou Verhaeren avec l’arrière-pays flamand, il y a entre Spilliaert et Ostende un lien presque mystique, la ville rejoignant pour lui un espace purement mental avec ses perspectives accusées ou brisées, et les rotondités de son architecture. Si la peinture de Spilliaert captive autant l’imaginaire, c’est parce qu’Ostende le hante, avec la Mer du Nord et son appel figé au voyage. Spilliaert du reste n’aura de cesse de vouloir parcourir le globe et dira dans une lettre qu’il était prêt à brûler tous ses dessins pour un tour du monde. Las, il ne quittera jamais la Belgique, comme si son sort était lié irrémédiablement à sa ville.
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