On s’est récemment félicité de l’élection de l’écrivain d’origine péruvienne Mario Vargas Llosa, lauréat du prix Nobel en 2010, au dix-huitième siège de l’Académie française. Au vu de son élection dite de maréchal par un vote quasi-unanime, il semble bien que soit passé inaperçu, parmi les sages, le fait que le candidat n’ait jamais écrit en français.
Les sièges se comblent difficilement compte tenu du faible taux de grands écrivains, dit-on. Quelle merveilleuse occasion pour adopter une politique de « diversification », comme on les connaît en Union européenne ! Ces derniers jours, on parlait donc dans les médias de littérature mondiale, de cosmopolitisme, d’un esprit d’ouverture ou encore d’une ouverture internationale, pour renchérir. Pour une institution qui avait longtemps dédaigné Corneille et carrément barré la route à Molière pour cause de chichis ridicules, on aurait pensé les quarante immortels plus exigeants, conformément à la tradition et à l’histoire de la maison.
Il n’a jamais rendu l’hommage suprême à notre langue, qu’il se vante d’adorer, en y trempant sa plume comme l’ont fait d’autres académiciens nés à l’étranger
Il est vrai : l’œuvre magistrale de Vargas Llosa est nourrie d’une tradition française et est éprise de nos idées de liberté, d’humanisme et d’universalisme. L’écrivain a longtemps vécu à Paris, s’y est réfugié et y a appris la langue française. Ses opinions politiques marquées à droite n’étaient pas, non plus, pour déplaire au conservatisme de l’Académie et on peut également dire qu’il a contribué à la diffusion d’une certaine philosophie française. Toutefois – et c’est l’essentiel –, il n’a jamais contribué au génie des lettres françaises. Il n’a jamais rendu l’hommage suprême à notre langue, qu’il se vante d’adorer, en y trempant sa plume comme l’ont fait d’autres académiciens nés à l’étranger : citons les exemples actuels d’Andreï Makine, François Cheng, Maurizio Serra et Michael Edwards qui se sont donné cette peine et qui se sont chargés de cet honneur. [...]
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