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Sélectron : les meilleurs matchs de l’Équipe de France en Coupe du monde

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Publié le

22 novembre 2022

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A l’occasion de l’entrée en lice des Bleus ce soir dans la controversée Coupe du Monde qatarie, nous ne restons pas en reste et vous proposons un classement encore plus controversé des meilleurs matchs dans la compétition de l’Equipe de France. Si vous n’êtes pas d’accord, ce n’est terriblement pas notre problème.

6) France-Croatie 98 :

Lilian ! Lili ! Tu es de gauche certes, et puis encore, pas de la meilleure, dans le vilain genre pleurnicho-moralisateur. Mais nous ne te détesterons jamais, puisque Lilian ! tu es à inscrire, après la petite Jeanne, le petit Corse et le grand Charles, à la longue suite des noms qui relevèrent notre fragile et dansante nation à ses pires heures.

France-Croatie, 8 juillet 1998, demi-finale. La France, après un parcours assez difficile en huitièmes et quarts contre le Paraguay puis l’Italie, arrive méfiante face à une Croatie pleine d’audace, qui vient d’éliminer avec flamboyance les Allemands champions d’Europe en titre. Les Croates, dont personne n’attendait rien, dont c’est la première participation à la Coupe du monde puisque cette nation vient de naître, jouent sans la moindre pression. Ils sont par ailleurs emmenés par Zvonimir Boban et Davor Suker, évoluant respectivement au Milan AC et au Real de Madrid, sûrement les deux meilleurs clubs des années 90. Suker surtout, qui a marqué trois fois depuis le début de la compétition, donne par avance des maux de tête à la défense française.

Malgré tout, emmenée par un excellent Zidane qui se procure de belles occasions, c’est la France qui domine assez largement la première période. Sans toutefois trouver les filets. Ce n’est jamais bon signe, surtout que la Croatie s’est réveillé en fin de mi-temps et a inquiété à plusieurs reprises Fabien Barthez. Au retour des vestiaires, la France engage. Au bout de sept secondes, Zidane perd le ballon. Au bout de vingt-deux secondes, ce ballon est au fond des cages françaises, par le biais d’un élégant extérieur du pied de l’inévitable Suker. Le réalisateur du match montre plusieurs fois la frappe. Quand il revient au jeu, les Français sont après leur second engagement en une minute proches de la surface des Croates.

Ce défenseur travailleur, rugueux, vient d’entrer au Panthéon des buteurs providentiels de l’équipe de France.

Ces derniers récupèrent le ballon, mais le latéral droit français, un peu aux fraises sur l’action de Suker et vraisemblablement revanchard, maintient la pression et gène le défenseur adverse qui rate sa passe en retrait et trouve bien malgré lui Djorkaeff. Ce dernier transmet en profondeur au latéral droit qui s’arrache pour récupérer le ballon au point de penalty, et, au bout de l’effort, frappe en taclant. Alors qu’il s’effondre, il contemple sa frappe fouetter violemment les filets croates. Cet homme qui se relève déjà, le menton fier, pour accueillir ses coéquipiers qui le submergent, c’est évidemment Lilian Thuram.

Ensuite, pendant plus de vingts minutes, ayant pris un avantage psychologique décisif, la France va pousser sauvagement. Mais il y a toujours un gant, un pied ou une tête entre le ballon et les filets. La Croatie s’accroche, la France se frustre. De son côté, Thuram est démoniaque, gagne tous ses duels, tue dans l’œuf les moindres velléités de rébellion adverse. C’est finalement de lui que vient la solution, à la soixante-dixième. Dépassant encore une fois ses fonctions, il récupère un ballon à l’orée de la surface adverse, et, sans l’aide de personne, en déséquilibre, du mauvais pied, catapulte une frappe de vingt mètres dans les buts adverses. Le Stade de France explose. Lilian Thuram prend une pose arrogante, il en a bien le droit. Il vient d’inscrire ses deux seuls buts sous les couleurs tricolores, au moment où son équipe en avait le plus besoin. Ce défenseur travailleur, rugueux, vient d’entrer au Panthéon des buteurs providentiels de l’équipe de France. Exceptionnel. Les Croates ne s’en relèveront jamais. Après ça, il ne manque plus grand-chose pour que l’on puisse mourir tranquille…


5) France-Espagne 06

Après une phase de groupe laborieuse et inquiétante, l’équipe de France retrouve sa voisine espagnole pour un huitième de finale qui devait être son tombeau. Opposition de style : face à la Roja, forte d’une jeune génération exceptionnelle (Casillas, Ramos, Fabregas, Xavi, Villa ou Torres) qui épate et sur le point de tout rafler, nos Bleus semblent vieillissants (30 ans de moyenne d’âge) et sans identité footballistique, sous les ordres d’un Domenech peu inspiré. Le matin même, Marca affiche la couleur : « On va mettre Zidane à la retraite ». Mais 90 minutes plus tard, c’est l’apothéose. Victorieuse par trois buts à un, l’équipe de France lance pour de bon sa compétition et signe l’un des matchs les plus mythiques de sa glorieuse histoire.

Car dans cette rencontre, il y a absolument tout. Un début de match cauchemaredesque, puisque c’est l’Espagne qui prend logiquement l’avantage dès la demi-heure de jeu, sur penalty. Une étincelle de lumière, avec l’égalisation du petit nouveau Franck Ribéry, symbole malgré lui d’une France de tout en bas, d’une France des gueules cassées mais encore animée par une pulsion de vie.

Le groupe France vient de naître, et la fièvre – et l’espoir déjà – s’empare logiquement des rues du plus reculé de nos villages.

Une deuxième mi-temps retournée, où les Bleus mettent la main sur la rencontre mais n’arrivent pas à conclure, et où l’on craint de se faire punir par la vigueur espagnole en contre. Un suspens tenu jusqu’au bout, avant la libération par maestria des deux anciens Vieira et Zizou, d’une tête au second poteau du premier (83e) puis d’un enchaînement génial crochet extérieur-frappe croisée du second (92e). La sagesse triomphait des paillettes. Le groupe France vient de naître, et la fièvre – et l’espoir déjà – s’empare logiquement des rues du plus reculé de nos villages. Mais ce qui rendit ce match véritablement mythique, c’est encore l’entrain fabuleux de Thierry Gilardi. « Pour Ribéry, qui va arriver devant Casillas. Vas-y mon petiiiiit ! ». « Pour Zidane. El Magnifico ! Au bout, au bout, au bouuut ! ». Une voix qui résonne encore dans nos cœurs d’enfants. Rémi Carlu

Lire aussi : Coupe du monde au Qatar : sous l’œil des barbares 

4) France-Brésil 98 :

La consécration. Et un, et deux, et trois zéro. Que dire de neuf sur le match le plus profondément ancré dans l’imaginaire collectif français ? Depuis presque vingt ans, le titre nous échappait. Des promesses, des défaites magnifiques, des désillusions terribles… le football tricolore en était à l’adolescence. Après deux coups de casque de Zidane, une chevauchée de Petit, il entre enfin dans l’âge adulte. Quand on n’y croyait plus.

Car malgré une génération dorée, malgré ses jeunes talents, Henry, Vieira et Trezeguet, ses joueurs dans la force de l’âge comme Zidane, Barthez et Petit ainsi que ses vieux briscards tels que Desailly et Blanc, l’Équipe de France ne convainc pas avant le mondial. On lui reproche son manque de jeu, et l’impopularité de son sélectionneur Aimé Jacquet peut se comparer à celle que connaîtra plus tard Raymond Domenech. Qui s’en souvient ? La victoire efface tout, ce fragment de la sagesse immémoriale des peuples trouva encore une occasion d’être confirmé dans la chaleur de ce juillet 1998. Après la Coupe du monde, et encore plus après l’Euro qui suivit, cette génération entre de son vivant dans l’épineux domaine du mythe. Il fallait les voir, les toucher, c’était les dieux du stade pour de vrai, les visages héroïques de la nation. Cette starification folle, inédite dans l’histoire du sport français, conduira au déboire de la Coupe du Monde 2002. Mais on leur pardonnera, on pardonne toujours trop à ses premières fois, et les anciens de 98 tiennent encore le haut du pavé du football français sur les bancs, les plateaux et dans les couloirs des fédérations. Vraisemblablement, ça durera encore. On peut le regretter, il le faut dans une certaine mesure, ce statut d’intouchable entraînant parfois une sclérose dommageable, mais quoi ? Sans l’exemple de leurs exploits, y aurait-il eu les Pogba, Griezmann, Mbappé et consorts ? Les anciens de 98 sont, encore pour longtemps, propriétaires de la maison France. Ça tombe bien, ils l’ont construite.


3) France-Argentine 2018 :

Peut-être le meilleur scénario de ce classement. Voilà un match où la France a mené, avant d’être rejointe, dépassée, puis de reprendre magnifiquement l’avantage, pour enfin frissonner à nouveau dans les derniers instants du match. Que d’émotions mes petits gars. Trop d’émotions !

Pourtant, quand les joueurs français foulent la pelouse de Kazan ce trente juin, le moins que l’on puisse dire est que, jusqu’ici, ils n’ont pas particulièrement été prodigues de ladite émotion. Avec deux victoires au forceps contre l’Australie et le Pérou puis une purge, score nul et vierge, face au Danemark, les Bleus ont réalisé comme à leur habitude une phase de groupe immonde. Alors que cette Coupe du Monde représente tellement pour ce groupe qui a échoué de la plus cruelle des manières deux ans plus tôt en finale de l’Euro, contre le Portugal. Pour ce groupe jeune, né lors de la Coupe du Monde précédente, avec une défaite encourageante en quarts contre l’Allemagne. Ce groupe forgé par Didier Deschamps qui incarne le renouveau du football français, après les longues errances des années Domenech puis Blanc.

C’est contre l’Argentine que cette équipe gorgée de promesse commence enfin à les tenir. En revenant au score après avoir été dépassée, elle prouve qu’elle possède cette qualité qui démarque les champions : le caractère.

On savait qu’ils étaient footballeurs, et talentueux, on sait désormais qu’ils sont hommes, avec ce que ça implique de sérénité, de maîtrise.

On savait qu’ils étaient footballeurs, et talentueux, on sait désormais qu’ils sont hommes, avec ce que ça implique de sérénité, de maîtrise. Les succès finalement assez tranquilles en quarts, demis et finale sont nés de ce triomphe au cœur de la tempête, de ce triomphe sur la tempête.

Et puis, « Second poteau Pavaaaaaaard !!!! » merde ! Bah ouais, évidemment, on n’allait pas évoquer ce match sans en parler. Je vous vois, vous étiez inquiets. Benjamin Pavard, je n’crois pas qu’vous connaissez, il sort de nul part, une frappe de bâtard, on a Benjamin Pavard ! Eh oui, cette majestueuse frappe égalisatrice restera comme l’image de ce mondial pour les siècles des siècles footballistiques. C’était l’été, c’était une formidable cohue dans les bars, la formidable, la sainte cohue qui crée des hymnes. Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’en face la défense argentine était plus trouée qu’Arthur de Watrigant après une de ses « soirées » dans le centre de Paris. On n’écoute pas blablabla…


2) France-RFA 82 :

« Plus jamais ils ne joueraient aussi juste que dans cette prolongation qui leur était promise. Plus jamais ils n’auront accumulé autant de haine et en même temps de détachement à l’égard de leur métier. Cette nuit de Séville 82. C’était une nuit très claire. Chaude. Une nuit décidée à suspendre tous les sommeils », écrivit Pierre-Louis Basse dans son magnifique Séville 82, le match du siècle (La Table ronde, 2008). Il n’avait pas tort. Plus jamais la France ne jouera aussi juste, aussi vrai. Même le titre de 1998, et encore moins celui de 2018, ne firent vibrer une nation comme cette demi-finale contre l’Allemagne (alors RFA) de la Coupe du monde, pourtant perdue. Six ans plus tôt les Bleus ont autant d’importance footballistique que le Luxembourg aujourd’hui. Mais Michel Hidalgo prend l’équipe. En huit ans, le Marseillais les hisse au sommet avec le titre de champion d’Europe en 1984, le premier trophée international de l’équipe de France. Et pourtant c’est cette nuit de Séville qui hante encore la mémoire collective. Cette nuit où l’affreux Harald Schumacher trucida Battiston, évacué sur un brancard, le capitaine Platini lui tenant la main, cette nuit où Marius Trésor d’une sublime reprise de volée redonna l’avantage à la France au début d’une prolongation tragique, cette nuit où Alain Giresse explosa d’une joie rageuse en donnant deux buts d’avance aux Bleus, cette nuit où finalement la France céda aux pénalties après le raté du grand Maxime Bossis, un genou à terre. Une défaite, oui, mais quelle panache ! Les Anglais ont inventé le football, mais ce soir là, la France lui offrit une âme. Un football gaulois qui ne craint pas de jouer avec trois numéro dix. Les joueurs français étaient immenses, pas (encore) d’étoiles sur le maillot mais le bleu illuminait le ciel sombre de Séville. Arthur de Watrigant

Lire aussi : Corrida : défendre une tradition en tant que tradition

1) France-Brésil 06 :

La grâce. La perfection, ou ce qui s’en est le plus approché sur ce fichu terrain de verdure. C’était Zinédine à son apogée, c’était une tunique immaculée, c’était la France qui avait retrouvé son élégance de toujours, et bordel que c’était beau. Pour que ça soit vraiment beau, il faut un grand adversaire. A-t-on déjà grandi autrement que par ses adversaires ? « Ronaldinho, Ronaldo, grand Brésil, tout ce qu’on connaît… Magnifique » résume Zidane dans le documentaire « Rendez-vous le 9 juillet », qui retrace le parcours de l’équipe de France lors de la coupe du monde 2006.

Ce jour-là, on est encore que le premier, en quarts de finale. Au tour précédent, contre tous les pronostics, la France a éliminé l’Espagne dans une rencontre folle (dont il a été question plus haut), où s’est soudé un groupe jusqu’ici brinquebalent. En face d’elle se tient encore un adversaire donné favori de la rencontre, voire de la compétition. Les Brésiliens sont en effet champions en titre, et alignent un onze impressionnant, florilège des meilleures équipes européennes. Aux côtés des Ronaldo et Ronaldinho cités plus haut, on retrouve Kaka, Adriano, Roberto Carlos, Cafu, bref, du sérieux, du massif. Sauf que. Sauf que Zinédine… en avait décidé autrement. Ce soir, c’était lui le Brésilien.

Ce soir-là, Zidane a émasculé le Brésil de son brésilianisme

Tout ce que le doux nom de Brésil évoque à l’oreille footballeuse, l’insouciance, la fraîcheur, la créativité débordante, Zidane allait le faire sien, mieux, le porter à son acme. Ce soir-là, Zidane a émasculé le Brésil de son brésilianisme. Ça commence dès la première minute. Deux milieux de terrain mettent la pression au numéro dix français, qui se trouve dans une position délicate, dos au jeu à à peine trente mètre de ses buts. Il les efface d’un râteau splendide de sobriété, se retourne, élimine encore un adversaire de quelques passements de jambes, transmet dans la profondeur… en cinq secondes, on est presque allé d’un but à l’autre. La soirée est lancée.

Et qu’elle est longue pour les victimes du Français. Il leur jette tous les sorts du grand grimoire du football  : double contact, sombrero, jongles, roulette… tout y passe. Mais ça, normalement, on le fait un dimanche après-midi à quatre grammes dans un match contre ses petits cousins, quand le seul enjeu est de savoir qui nettoiera la graisse du barbeuq où les chipos étaient particulièrement saucées, pas en phases éliminatoires de Coupe du Monde contre les grands favoris. Eh bah Zinédine il est comme ça. La pression ? Connaît pas. Et puis toute l’équipe suit. Les deux milieux défensifs Vieira et Makélélé ne laissent pas une seule seconde de répit aux attaquants adverses, Henry et Ribéry multiplient les appels qui mettent à mal la défense jaune… bref, la maîtrise totale.

Finalement, Zidane trouve Thierry Henry sur coup franc à la cinquante-septième. But. A part un coup franc de Ronaldinho dans les tous derniers instants du match, les Brésiliens ne se seront procurés aucune occasion. Si on place ce match en première position, ce n’est pas pour la folie de son scénario ni pour le foisonnement de ses occasions, mais pour la maîtrise totale qu’il représente, et sur le meilleur adversaire qu’on puisse imaginer. Dominer les meilleurs, c’est toujours le plus difficile. Les humilier sur leur terrain, celui de la maestria technique en l’occurrence, c’est encore plus admirable. Zinédine, enfant de l’Atlas, tu as toute ta place dans la glorieuse lignée des fils de France.

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