À chaque sortie de concert, je pense à cette scène de La Recherche où le narrateur se rend pour la première fois au théâtre avec ses parents pour y voir la Berma jouer Racine. S’il est fasciné par la faune mondaine, qu’il dévisage et décrypte avec cette manie singulière qui le caractérise, il est aussi et surtout déçu par le décalage entre ce qu’il espérait voir et ce qu’il découvre. Il en est bien souvent ainsi pour les êtres imaginatifs qui se perdent en songes avant de chuter dure- ment sur le réel. Il en est aussi ainsi à chaque fois que je passe la porte de ces temples soniques, des Zéniths aux Olympias du monde entier. Durant toute mon enfance, à la manière du petit Marcel et de quelques milliards d’autres gamins, j’ai fantasmé ces lieux qui m’étaient interdits. La vérité, c’est que l’on est toujours déçu de ce qu’on espère, tôt ou tard.
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La première fois que je marchais, accompagné de mon grand- frère, tout excité et plein d’une innocente adrénaline, vers l’immonde Zénith de la Villette (qui devait être à mes yeux, à ce moment, une promesse de bonheur inouïe) fut également la première fois où je découvrais ces vendeurs à la sauvette, comme un signe avant-coureur de la débâcle à venir. Places, posters, badges ! Il fallait bien avouer que la qualité de ces objets n’était pas vraiment exceptionnelle. Arrivés devant, et avant d’entrer, un premier contact avec la foule permet de découvrir les propriétaires des aisselles contre lesquelles notre nez sera collé (ou les porteurs de coudes qui frapperont nos pommettes, au choix). Chacun se raconte des anecdotes pro- venant des concerts précédemment fréquentés. Pour ceux qui n’ont rien de particulier à dire, le mieux à faire est de se saouler dans la file d’attente en hurlant. [...]
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