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Éditorial idées de mars : Times They Are a-Changing

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Publié le

3 mars 2023

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« Il faut commencer de se méfier des enchanteurs qui se parent du beau nom de réalistes, et qui ne sont que des cyniques. » Éditorial idées du numéro 62 par Rémi Lélian.
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Le moins que l’on puisse dire, depuis trois ans, c’est que l’époque se précipite. L’histoire revient sous la forme de catastrophes qu’on percevait comme à jamais bannies de la sphère occidentale. Épidémies, guerres de haute intensité menaçant de se mondialiser : en l’espace de quelques mois le monde a plus changé qu’en vingt ans, retrouvant ainsi la narration brutale qu’on croyait seulement circonscrite aux livres d’histoire. Ce faisant, l’humanité européenne a dû commencer à renoncer à ce qu’elle tenait pour acquis : la paix perpétuelle à peine dérangée par un terrorisme métastatique, le confort de la civilisation et la mort houellebecquienne que l’on goûte après une vie rationalisée par la jouissance et épuisée par l’ennui. Craignons donc qu’à l’avenir les choses empirent, que la violence s’impatronise, que le chaos devienne la norme, bref, comme le chantait Dylan, que les temps changent.

Nous pouvons le craindre et nous devons nous y préparer ; aussi, déjà, il faut commencer de se méfier des enchanteurs qui se parent du beau nom de réalistes, et qui ne sont que des cyniques ; qui disent que nous pourrions demeurer tranquilles, à l’abri de ce qui se trame ; que la guerre est atroce – en quoi ils ont raison, parce qu’elle l’est toujours – et que la paix est forcément bonne – ce qui est à moitié vrai, donc nécessairement faux.

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Ces joueurs de flûtes, nous commençons à bien les connaître, ils nous disent systématiquement la même chose pour tout : « Rien n’est vrai de ce qui nous déplait ! » et si untel vient leur rappeler leurs erreurs, ils l’écrasent de ce « réalisme » derrière lequel ils dissimulent la corruption de leur entendement. C’est qu’ils travaillent, sans le savoir ou sans y croire même peut-être, au service du mensonge puisqu’ils n’ont de cesse de détruire la réalité en s’en accaparant le nom, et que même face aux morts, face aux frontières franchies, devant les faits implacables, ils continueront de nier… tout.

Il faut dire que ce vice, l’homme s’y entraîne depuis longtemps ; depuis toujours, depuis la Chute, à chaque fois que les temps changent, nous pressentons que ces temps seront violents et durs et que, ces heures venues, nous aurons besoin d’un maître pour nous protéger ; nous savons surtout que, parmi plusieurs maîtres, le plus méchant et le plus ennemi semble le mieux, parce que, puisque nos amis peuvent nous pardonner, rien ne nous coûte de les trahir, tandis qu’on sait que nos ennemis impavides, eux, ne nous pardonneront jamais rien – autant donc s’y soumettre.

Hier, on entendait prôner La France seule, lorsqu’elle était déjà soldée depuis un moment à l’envahisseur hitlérien. Aujourd’hui, d’autres qui cèdent à cette même faiblesse sont les séides de Poutine, quoiqu’ils le nient ; et, pour ne pas avouer qu’ils sont terrifiés et prêts à se soumettre aux puissances mauvaises, ils se vantent d’être des réalistes.

Hypnotiseurs jusqu’au bout, ils racontent à qui les écoute que si les temps changent et se brutalisent, la responsabilité exclusive en revient à ceux dont ils convoitent la place ici

Hypnotiseurs jusqu’au bout, ils racontent à qui les écoute que si les temps changent et se brutalisent, la responsabilité exclusive en revient à ceux dont ils convoitent la place ici ; comme si l’histoire ne témoignait pas contre leur image fantasmatique d’un monde où les tyrans sont sages et réalistes, des hommes d’honneur honnêtes avec tous les Chamberlain qu’ils rencontrent.

Là encore, des enchanteurs, prostituant la vérité et le réel : le parti traître. Sans doute, l’heure n’est pas encore venue où celui-là rassemblera tous ses membres ; sans doute parmi ceux qui s’en réclament certains se dresseront contre lui tandis que d’autres, qui s’y opposent, tomberont dans son escarcelle, nul ne le sait encore ; mais les temps se précipitent, les temps changent et désormais ceux qui y prennent part doivent l’accepter, faute de quoi, à vouloir faire comme avant, malgré leurs préventions contre la guerre, contre le monde de demain, ils en accéléreront l’engrenage furieux au profit de leur maître du moment.


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