À l’inverse d’un héros balzacien, Gabriel Attal n’a pas eu besoin d’aller à l’assaut de la capitale. Il y est né. Ses parents – Yvan Attal, producteur de cinéma juif tunisien et Marie de Couriss, salariée de production issue d’une famille d’orthodoxe – élèvent leur enfant dans les quartiers huppés de Paris. Il étudie dans les meilleures écoles : École alsacienne, Sciences Po ou encore Assas.
C’est à l’École alsacienne qu’il développe son aisance orale en se passionnant pour le théâtre. Il y côtoie le futur et tonitruant avocat Juan Branco ainsi que la chanteuse Joyce Jonathan – ce qui lui a valu des querelles médiatiques de bas étage. Socialiste convaincu, il s’engage à 17 ans au Parti socialiste pour soutenir la candidature malheureuse de Ségolène Royal à la présidentielle de 2007.
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Réseau à gogo
Une fois son baccalauréat en poche, il intègre Sciences Po Paris et son réseau. Il y rencontre entre autres Rayan Nezzar, qui l’a suivi au ministère de l’Éducation nationale, Maxime Cordier, son actuel chef de cabinet, ou encore Alexandra Touraine. C’est cette dernière rencontre qui lui permettra de faire un stage chez Marisol Touraine à l’Assemblée nationale puis d’intégrer le cabinet de la nouvellement nommée ministre de la Santé en 2012. Gabriel Attal n’a que 23 ans. Il devient alors le plus jeune conseiller ministériel du quinquennat Hollande. Il y croise notamment le satyre Benjamin Griveaux qui le prend sous son aile. Un de ses proches qui l’a rencontré à l’époque raconte à L’Incorrect : « La première fois que je l’ai rencontré, j’ai vu qu’il était complètement obsédé par la politique. Il n’y a que l’ambition qui l’anime politiquement. Sur ce point, il fait un peu penser au style rapide et nerveux de Valls. » Avant d’ajouter : « Attal est très plastique, il s’adapte très bien à son époque et la comprend. Il peut défendre n’importe quoi. J’observe qu’il n’est pas sur le fond mais sur des coups de com’. Il est sur l’ère du temps et la mise en scène de lui-même. » En parallèle, il est élu membre de l’opposition au conseil municipal de Vanves. Il fera de la dixième circonscription des Hauts-de-Seine sa terre électorale. Terre où il sera élu en 2017 avec plus de 60% des suffrages.
La première fois que je l’ai rencontré, j’ai vu qu’il était complètement obsédé par la politique. Il n’y a que l’ambition qui l’anime politiquement. Sur ce point, il fait un peu penser au style rapide et nerveux de Valls.
Ancien proche de Gabriel Attal
C’est en 2015, lors d’une réunion de travail, que le jeune conseiller rencontre Stéphane Séjourné, alors en poste à Bercy. On apprend officiellement sa relation avec le très proche conseiller d’Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux en août 2017 lorsque Gabriel Attal publie une photo de leurs vacances à l’Île-aux-Moines, où les grands-parents de l’intéressé possèdent une maison. Sur la photo, on reconnaît également Sacha Houlié, actuel président de la commission des lois et Pierre Person, ancien député retiré de la vie politique. Un membre de l’actuel gouvernement confie à L’Incorrect, d’un ton grinçant : « Son ascension dans la macronie, il la doit en grande partie au fait qu’il sortait avec Stéphane Séjourné, très proche de Macron. Il a dû l’aviser assez tôt qu’il fallait rejoindre Macron et a dû lui mettre le pied à l’étrier dans le système macroniste. Séjourné a été son pygmalion. » S’il doit en partie son ascension fulgurante à ses relations, il y en a une qui lui a permis de devenir un maître de la communication.
La com’ à outrance
Cette maîtrise de la communication porte un nom : Louis Jublin. Ce communicant chevronné vient de l’UMP. Après un passage auprès de Bernard Carayon à l’Assemblée et chez Jean-François Coppé lorsque ce dernier était président du parti, il rejoint la macronie dans le sillage de Bruno Le Maire. Louis Jublin est l’artisan principal de la communication de Gabriel Attal depuis sa nomination au porte-parolat du gouvernement en 2020. Le même membre du gouvernement reconnaît ses qualités de communicant : « C’est aussi une personne qui réseaute dans tout Paris, donc il porte la parole d’Attal dans les dîners parisiens. Par ailleurs, il a énormément de talent en tant que communication donc c’est lui qui pense la communication du ministre. C’est lui qui fait en sorte de faire les journaux et interviews aux bons moments. C’est un communicant redoutable, plus qu’un attaché de presse. »
Son ascension dans la macronie, il la doit en grande partie au fait qu’il sortait avec Stéphane Séjourné, très proche de Macron. Séjourné a été son pygmalion.
Membre du gouvernement
Au téléphone, Louis Jublin loue les qualités médiatiques de son patron : « Il y a eu des moments forts qui ont permis de montrer aux Français et au petit monde politico-médiatique que Gabriel était quelqu’un de courageux, comme ce passage en prime time sur France 2 au moment des Gilets jaunes. » Une exposition médiatique due aussi aux nombreux duels qui opposaient le nouveau Premier ministre au jeune chef de file du Rassemblement national, Jordan Bardella : « On a débattu cinq fois face à lui [Bardella], ce sont des moments d’extrême tension. Le match médiatique, ce sont les médias qui le créent » poursuit le communicant. Un match peut-être créé par les médias mais dont l’entourage se félicite. Un de ses proches nous confie : « Je pense qu’il est assez fasciné par Bardella, comme tout le monde. Je n’exclus pas qu’il le trouve séduisant. Il doit être assez bluffé par la mécanique Bardella. »
Matignon, l’heure de vérité
La récente nomination de Gabriel Attal à Matignon aura pour lui une saveur de défi. Défi parce qu’historiquement, le poste de Premier ministre est difficile à occuper. Pour certains analystes politiques, Matignon est un cadeau empoisonné. Rien que lors des mandats d’Emmanuel Macron, on se rappelle Édouard Philippe essuyant la crise des Gilets jaunes, Jean Castex celle du Covid, Élisabeth Borne celle des retraites et du projet de loi immigration. Un membre du gouvernement s’interroge d’ailleurs sur la capacité à gouverner de Gabriel Attal : « C’est certes quelqu’un d’intelligent, qui a le sens des opportunités. Mais Attal est quelqu’un qui a très peu lu, très peu écrit, peu voyagé, peu vécu sur le plan culturel et intellectuel. Donc c’est un peu une coquille vide. Tu lui fais goûter à l’aveugle un bourgogne et un bordeaux, il ne fait pas la différence. Je pense qu’à ce stade, il est encore très lacunaire. »
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S’« il se voit déjà candidat en 2027, élu un an plus jeune que Macron, car atteint d’une certaine hubris et ayant perdu le sens des réalités » comme nous le confie un de ses anciens amis, Gabriel Attal doit marquer les esprits, au-delà de simples coups de communication. Et, au vu des récentes nominations des membres de son gouvernement, cela semble déjà raté. Vincent Trémolet écrivait très justement dans son édito pour Le Figaro : « Ces nominations de retour, ces combinaisons circulaires, ces chaises musicales sans la joie de la musique et la fraîcheur des enfants donnent à ce gouvernement une note politicienne qui contraste avec la gravité des temps. Cette nouvelle équipe émousse déjà l’effet réel de la nomination du jeune Premier ministre : c’est un petit coup de com’ après un grand coup d’éclat. » Au fond, c’est sans surprise le style Attal. Et il semble être sorti tout droit de la cuisse de Jupiter.