Le Fou de Bourdieu a quelque chose de Madame Bovary, ou même trois : l’amorce d’un fait divers ; le résumé d’une époque par la bande ; une vertigineuse mise en abyme du langage. Un bijoutier de province, fils de meunier, tire sur un jeune Maghrébin venu le cambrioler, et le tue. En prison, celui qui s’appellera bientôt « Suburre » est miné par le remords, il se plonge dans l’étude de la philosophie pour trouver des réponses à son malaise, mais la discipline est complexe et surtout, indécise sur la question du libre-arbitre et donc sur celle de la responsabilité réelle. Mais la sociologie de Bourdieu agit bientôt sur lui comme une révélation. Il n’est plus coupable, c’est la structure qui l’a poussé à agir. Dans la grande lutte manichéenne entre dominants et dominés, il rejoint le camp des seconds que tout innocente, même dans le crime, contre les premiers que tout incrimine, même dans la charité. On suit alors la longue et spectaculaire métamorphose du personnage qui, après la prison, changera d’identité, de métier et de quartier, s’entichera d’un jeune banlieusard prénommé comme sa victime, cultivera une haine tenace pour son voisin journaliste bobo et basculera dans le mimétisme caillera et le banditisme. Les mantras sociologiques qui le galvanisent désormais lui épargneront tout scrupule mais lui empêcheront également tout recul sur la situation réelle, sinistre et tragique dans laquelle il fonce entre deux traces de cocaïne sniffés sur un Poche de Bourdieu. […]
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