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Éditorial d’Arthur de Watrigant : Lever les yeux

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Publié le

4 décembre 2025

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« Le docteur Guénolé geint. Il a souffert. Pauvre chaton. Paraît qu’il a été torturé. Même une gastro de Noël laisse plus de stigmates. » Éditorial du numéro 92.

L’histoire ne dit pas si Nicolas Sarkozy a eu le temps de lire l’excellente biographie de Jésus de Jean-Christian Petitfils ou Le Comte de Monte Cristo (en deux tomes avait-il pris le soin de préciser), en revanche il a eu le temps d’écrire ! Journal d’un prisonnier. À peine sorti de vingt jours de taule, le récit de l’ancien président fait déjà le tour des rotatives. Encore quelques jours et vous pourrez l’offrir à votre belle-mère ou à votre pire ennemi pour Noël. Voici une opération rondement menée.

Pas comme celle de Thomas Guénolé, vous savez cette tronche de pinnipède qui veut qu’on l’appelle docteur parce qu’il a pondu une thèse (pour démontrer « l’existence d’une pensée politique spécifique du centre d’Aristote à Valéry Giscard d’Estaing », véridique !) et qui s’est embarqué dans une croisière avec la cour des miracles direction Gaza. Eh bien le bougre raconte désormais, dans un seul en scène à l’allure tragique de seul en salle, l’issue de sa croisière clownesque (Rima Hassan, maligne ou fatiguée des vociférations de Greta Thunberg, s’est carapatée juste avant) : trois jours au gnouf dans une prison israélienne. On eut aimé qu’il y reste un peu plus, mais soulés par ses postures de Bernanos version Tolbiac, les Israéliens nous l’ont renvoyé. Sympas les potos. Alors le docteur geint. Il a souffert. Pauvre chaton. Paraît qu’il a été torturé. Même une gastro de Noël laisse plus de stigmates.

Heureusement, tous les sortis de prison ne sont pas amputés de la honte. Le grand Boualem Sansal a été gracié par l’immonde Tebboune. Mais on prend les paris qu’il n’ira pas chouiner dans un bouquin et encore moins sur scène. Les écrivains ont bien trop d’estime pour leur art. Et puis, bien qu’il n’ait pas eu droit au régime yaourt, il porte la tête haute : « Je ne vais pas être détruit par une petite année de prison » a-t-il déclaré à sa sortie. Le panache n’a pas disparu. Et si les autorités algériennes n’ont pas réussi à le faire taire, imaginez ce qu’il va raconter maintenant… Le petit Jean-Noël Barrot va encore bégayer sévère.

Lire aussi : Éditorial d’Arthur de Watrigant : Une semaine ordinaire à l’asile

Pour Sansal, la cause se révèle bien plus importante que sa personne. On appelle ça un héros. Mais l’époque est à la victimolâtrie. C’est triste et guère stimulant. Le nombril comme horizon et c’est toute une civilisation qui s’efface. Le Moi aimante le regard, alors la vieille dame fait les fins de marché sans qu’on ne la voie. Elle sillonne les allées et glisse dans son sac troué les légumes invendables. On les appelle les glaneurs. Ils sont nos aînés mais on les laisse crever. Sans honte. On ne les connaît pas, on ne les voit même plus quand on les croise. Pourquoi encore lever les yeux ? Pour une grenouille, le trou de balle en offrande, place Vendôme ? Non merci.

« On écrit à partir du moment où on se rend compte qu’on est dans la singularité la plus irréductible, mais que dans cette singularité irréductible, c’est toute l’histoire de l’humanité qui est engagée », nous conte le poète Emmanuel Godo quelques pages plus loin. Avec l’écrivain, Sébastien Lapaque et le peintre Augustin Frison-Roche, les trois compères affirment que le divin régente toujours l’art. C’est peut-être pour cela qu’il se fait rare. Alors il faut le crier et bomber le torse. Replongez dans Terrence Malick, lisez Jon Fosse et écoutez Arvo Pärt. Ce ne sont pas quelques blaireaux sponsorisés qui vont nous faire douter. « Il faut prendre le risque de la beauté », affirme le jeune peintre. C’est la voie du catholicisme.

Alors peut-être qu’en levant les yeux, l’invisible nous rendra la vue. Car oui, la Foi sauve, l’art et le reste.


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