L’école, l’instruction, l’éducation, l’université ne doivent jamais être remises entre les mains du politique. Car le politique recherche l’exact inverse de ce que poursuit l’éducation.
L’éducation forge des hommes libres ; le politique modèle des administrés. L’éducation enseigne les rigueurs de la liberté ; le politique instille l’amour de la servitude. L’éducation conduit à la politique du bien commun; tandis que le politique s’empare de l’un et de l’autre pour les défigurer dans le visage unique de l’Administration, qui façonne inéluctablement des hommes conformes à ses services.
Le « citoyen » contemporain a le visage d’un guichet et une langue d’urne. L’université, elle, éduque des fous et des sauvages (la jeunesse) avec d’autres fous, assagis. Elle sait qu’elle partage l’instruction avec la famille, la chasse, la médecine, le conservatoire, les clubs sportifs, les églises, la littérature, la rue, le milieu et la pêche. Ce qui faisait dire à Ivan Illich, ce grand pédagogue, qu’il fallait « déscolariser la société ».
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Car la technocratie et ses « experts » exigent un monopole pour abêtir, castrer, effrayer, enfermer, tamponner, séduire, ligoter, assommer, éviscérer, lasser, enrôler, déposséder, insulter, enivrer, moquer, nourrir, allaiter, incinérer, soigner, empoisonner tout un peuple, du berceau à la tombe. Le Léviathan, en effet, est secondé par mille monstres qui reproduisent ses modèles, son antiphilosophie et son efficacité absurde dans tous les pans de nos existences. L’école, l’usine, la caserne, l’administration, l’asile, l’université, le laboratoire, l’hôpital, la multinationale ou la startup sont les grimaces d’un seul et même morne visage.
Non, l’éducation ne doit jamais être remise entre les mains d’un ministre, d’un syndicat, d’une administration, d’un comité ou d’une des quelconques gargouilles du Léviathan. Surtout lorsque ce monstre obèse et hideux est centralisateur et bureaucratique. Car la centralisation affaiblit le pouvoir des personnages avisés que la coutume, les corps intermédiaires et la renommée de leur propre sagesse portent aux responsabilités, au profit d’autres personnages, nocifs ou impuissants. Nocifs, lorsque, remarquables animaux politiques, ils se sont hissés par leurs vices et leurs vertus propres à la tête d’un ministère dédié à un sujet pour lesquels ces mêmes qualités sont impropres à la bonne conduite de leur tâche.
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Impuissants, quand ces ministres, doués des quelques lumières qui leur ont valu une nomination, s’avèrent être de mauvais gestionnaires, de piètres meneurs d’hommes, de mauvais discoureurs, de laborieux acteurs; des êtres non-initiés à toutes les exigences du politique et de ses nécessaires manipulations, impostures, coups de forces, mensonges et trahisons.
Le régime contemporain est une URSS dont nous n’avons pas encore trouvé le sigle.
La politique, à la fois démiurge et créature du politique machiavélien (le régime de la vertu politique n’est pas celui de la morale commune) et hobbésien (l’État est un monstre gigantesque qui gouverne des monstres minuscules) a défiguré toutes nos institutions. Le prétendu « régime démocratique » n’est qu’une pseudomorphose procédurale, technocratique et médiatique d’un autre régime dont nous avons oublié le nom, la couleur et la saveur, aussi certainement que la tomate calibrée de l’agro-industrie a perdu la saveur des espèces de tomates de nos potagers, fruits millénaires de croisements et de cultures avisés.
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La sédition même que secrète cette anti-culture est à son image. Comme elle, elle défigure le langage, le silence, la conscience, les désirs, les goûts et les représentations mentales de ses hérauts. Le régime contemporain est une URSS dont nous n’avons pas encore trouvé le sigle. L’âme humaine, don et image de Dieu, avait besoin de l’écrin de tout l’univers pour éclore à l’aube des premiers temps dans le nid du jardin terrestre. Le courage et la vertu ont toujours consisté à sauvegarder et agrandir cette vigne fragile. Mais qui s’en soucie aujourd’hui?