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Le philosophe qui voulait se faire plus gros que les grenouilles

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Publié le

7 mars 2018

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pHILSOPHE

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Le philosophe a la voix suave et le regard profond. Penché sur son micro comme le prince sur l’oreille de sa belle, par son timbre impérieux il convertit les masses aux Lumières de la Raison. De son bras superbe, il dissipe les ténèbres en lançant bons mots, fatwas et anathèmes. Platon serait fier de voir que grâce à lui, les Bidochon sortent de leur caverne, et qu’entre deux réclames pour du sucre et de l’acide ascorbique, ils apprennent à ne plus se laisser berner par les marchands de reliques.

 

« Non, décidément, tonne le philosophe, le Vatican et ses faux gauchistes, Lourdes, ses handicapés et son 70e miracle ne trompent plus personne. Pour la prochaine proclamation, Dieu Tout-Puissant sera prié de pointer d’abord au CNRS. » Parce que l’Église n’a pas le droit de dire que les miracles viennent de Dieu, mais doit attendre que « la science » (curieuse allégorie qu’utilisent en général les paresseux pour désigner le labeur d’autrui) « les explique ».

Que les miraculés ont bien le droit de marcher mais qu’ils ont surtout le devoir de se taire. C’est en tout cas, en substance, ce que nous racontait récemment Raphaël Enthoven à l’annonce de la reconnaissance par l’Église du miracle de la guérison de sœur Bernadette Moriau.

 

Lire aussi : Marie-Axelle et Benoît Clermont : Gaspard pour l’éternité

 

Imaginez un peu ce que serait devenu notre monde s’il avait fallu s’en remettre entièrement aux journalistes et aux publicitaires et attendre le tampon d’Europe 1 avant de proclamer la bonté du Créateur. On leur obéit bien assez pour convenir que le monde serait encore plus bête qu’il ne l’est déjà. Mais pourquoi notre animateur radio est-il donc si précautionneux ?

Peut-être parce qu’en bon membre de la tribu des Lumières, il partage un fétichisme immodéré pour ces têtes d’ampoule qu’avec ses congénères, il appelle « les scientifiques » et qui ne sont en réalité que des archivistes et des cartographes des phénomènes, bien conscients que toute leur science, passionnante dans ses grandes lignes, est d’abord une laborieuse et précaire postulation sur le contenu d’un livre qu’on ne lira jamais. Que même suspendu dans l’espace l’homme reste accaparé par tous ses petits besoins.

Pour la prochaine proclamation, Dieu Tout-Puissant sera prié de pointer d’abord au CNRS

Que l’expérimentation et la falsification sont en réalité limitées, que les champs de nos connaissances sont réduits, que la raison n’est ni un pur esprit, ni une instance infaillible, même si elle vaut toujours mieux que la crétinerie, sa cousine germaine. Que la mathématisation de la structure intelligible de l’univers a été inventée par des hommes qui avaient foi en Dieu, Logos et Père, et qui savaient que l’esprit humain n’est, devant le monde et ses passions, qu’un hublot qui louche sur l’océan depuis une nef conduite par des fous.

Mais comme beaucoup de ses congénères, le philosophe ne comprend généralement pas grand-chose à la science, à part que les astres lui ont demandé la permission de tourner en ellipse et que la lumière contriste en persistant à ne pas choisir entre les ondes et les corpuscules.

 

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Tout au plus a-t-il un ami chercheur contre lequel, asinus asinum fricat, il se frotte, et la seule étincelle qui prend de cet accouplement finit généralement sur les rayons de la FNAC pour distraire les retraités de leur mort prochaine. Le philosophe se gonfle ainsi de la légitimité du scientifique pour en remontrer prétendument aux grenouilles de bénitier. Alors qu’en réalité, il n’est qu’un batracien qui coasse que l’eau de son bocal ne vient pas du Créateur.

« La démonstration, c’est l’œil de l’esprit », disait Spinoza. La démonstration scientifique s’apparente peut-être davantage à la béquille d’une raison aveugle, tatillonne et maladroite, soutenue par la foi pour l’essentiel de l’existence. Et le philosophe-animateur ne voit pas, lui, qu’il n’est qu’un dévot impotent, assis devant son hublot, qui disserte sur la bonne marche du Titanic en pestant contre ces fringantes religieuses qui ont l’outrecuidance de quitter leurs corsets pour embrasser Dieu.

 

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