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Le Moyen Âge, c’est nous

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Publié le

6 février 2018

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« Tout le mal du monde vient de la comparaison », s’exclame Michel Serres dans son essai sur L’amitié aujourd’hui. L’idole des jeunes déplore qu’on ne voie pas dans quel monde de progrès et de prospérité nous vivons de nos jours, parce qu’au lieu de jouir paisiblement de notre pavillon, nous lorgnons sur la villa des loups de Wall Street.

 

C’est pourtant le même Michel Serres et ses émules qui font l’apologie de notre temps en le comparant aux misères de notre passé. « Hier les hommes mangeaient des racines » et « mourraient avant trente ans », alors qu’aujourd’hui « on a le Wi-Fi » et « on ne meurt pas avant d’avoir goûté au Nirvana et à la maladie d’Alzheimer », fanfaronne-ton sans aucun égard pour les enfants leucémiques qui meurent avant la vingtaine, ces réactionnaires congénitaux, ou le sous-prolétariat édenté qui pourvoit à notre quête de « sensations agréables ». « Nous vivrons bientôt 120 ans », annoncent même de tonitruants chirurgiens qu’on ne voudrait pas côtoyer plus de dix minutes.

Il faut dire que s’il y a bien eu un homme « primitif » et sous-alimenté dans notre histoire, ce fut le prolétaire européen du XIXe siècle, à croire Pierre Clastres. Et donc en comparaison, tout ce qui vient après est un progrès, même la cave de cet enfant de Socrate qu’était Michel Fourniret.

Ce genre de sophisme est très prisé par les milieux progressistes, où l’on étudie trop peu notre histoire et la philosophie pour voir que ces raisonnements usent de critères incommensurables entre eux. Appelons ça : « l’effet de Michel Serres ». Par exemple. Pourquoi serait-ce « un mal » de mourir en défendant les siens il y a trois siècles et « un bien » d’être un employé de bureau glouton et cyclothymique aujourd’hui ?

En quoi mourir d’un cancer de l’anus en lisant Doctissimo nous rend-il plus sage qu’un lettré d’Alexandrie ?

Pourquoi serait-il plus heureux de travailler au McDonald’s et de vivre par procuration à travers les séries Netflix que de risquer sa vie en Amérique aux côtés des jésuites pour combattre les négriers capitalistes du Portugal et de l’Espagne du XVIe siècle ? En quoi mourir d’un cancer de l’anus en lisant Doctissimo nous rend-il plus sage qu’un lettré d’Alexandrie ?

Ces signes ambivalents du « progrès » s’étalent aujourd’hui avec la même largesse que l’obésité dans les couloirs de Walmart. Prenez les femmes à barbe. Hier elles tricotaient des moufles pour les lépreux. Aujourd’hui elles sont l’avant-garde de la révolution sexuelle. À certaines époques, abandonner ses enfants vous aurait valu le titre peu reluisant de « philosophe des Lumières ». Aujourd’hui, au Canada, on a reconnu le bon droit d’un père indigne d’être « une petite fille de 7 ans comme les autres » et de se faire adopter par des humanistes.

 

Lire aussi : Pourquoi la Droite bourgeoise échouera toujours ?

 

Avant, pour chier dans la bouche de quelqu’un, il fallait beaucoup d’agilité pour se hisser le derrière à hauteur des lèvres. Aujourd’hui, il suffit de servir un fromage Lactalis à ses invités. Il était difficile de porter au pinacle la chrématistique et le désintérêt du bien commun, et de se dire en même temps bon chrétien. Aujourd’hui, le diplôme d’une école de commerce, le port d’un titre de noblesse usurpé par quelque vendeur de biens nationaux et l’habitude biannuelle de taper sur une casserole en bande organisée suffit à se faire traiter de « catho » par une colonie de schtroumpfettes aux cheveux violets.

Les voyeurs et les croûtenards avaient la vie dure il y a 30 ans. Aujourd’hui, ils crachent dans la soupe en regardant YouPorn. Et si à 8 ans vous ne savez pas ce que c’est qu’une « quintuple péné avec effet crème », c’est que très probablement vos parents sont des pétainistes. Mais soyons fairplay. Reconnaissons tout le progrès qu’il y a à considérer qu’aujourd’hui Michel Serres peut s’insérer dans l’urètre, par l’entremise d’une clé USB, la totalité de ses écrits. Aristote et toute sa philosophie ne pouvaient pas en dire autant.

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