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Il avait demandé la discrétion la plus absolue sur sa présence dans un hôtel de Lucerne mais c’était sans compter les paparazzis qui s’en sont donnés à cœur joie, il y a quelques semaines. Dans les rues de cette ville suisse, les photos du roi Rama X, en tee-shirt sur un vélo, ont filtré dans la presse people.
Considéré comme un demi-dieu par ses sujets, le nouveau souverain Chakri gouverne son royaume depuis l’Europe. Derrière les rideaux d’une monarchie qui n’a plus rien de constitutionnelle, une junte militaire qui a pris en otage la démocratie et un monarque qui règne en maître absolu dans l’ancien Siam.
La mort du roi Bhumibol Adulyadej, après 70 ans de règne mouvementé, a été vécue comme un choc pour les Thaïlandais. Le 13 octobre 2016, des millions de sujets du roi sont descendus dans les rues des principales villes du pays pour rendre un hommage appuyé à leur monarque révéré. Au décès du 9ème souverain de la dynastie Chakri, les pleurs ont rapidement laissé place aux incertitudes. Son fils aîné, Maha Vajiralongkorn, devenu le nouveau monarque quasi-divin de 69 millions de siamois, était jusqu’ici un parfait inconnu des thaïlandais.
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Mis à part quelques participations à des cérémonies officielles, le roi a plus défrayé la chronique sur son comportement quelque peu non–royal que sur le respect des devoirs dus à son rang. Quelques mois avant la mort de son père, alors encore prince héritier, il avait été photographié sur le tarmac de l’aéroport de Munich, portant un jean très moulant et un « crop top », sorte de demi-marcel, laissant apparaître un ventre assez flasque orné d’un immense tatouage. La presse internationale avait crié haro sur cette vulgarité d’autant qu’il avait affiché son énième maîtresse officielle en plein jour.
Chaque décès de monarque s’accompagne de profonds changements et la Thaïlande n’en a pas été exsangue. Après un an de deuil et des funérailles grandioses, Maha Vajiralongkorn est devenu enfin Rama X. Sous l’œil de la junte ultra-royaliste qui entend défendre corps et âme la monarchie. Exit l’ancienne constitution, la nouvelle a été rapidement taillée sur mesure pour le roi qui a pu voir ses pouvoirs extraordinairement renforcés et ceux des militaires confirmés par un monarque que l’on dit très proche du premier ministre, le général Prayut Chan-O-Cha. Les deux hommes sont de la même génération et lors du coup d’État de 2014 qui met fin à la rivalité entre chemises jaunes (royalistes) et chemises rouges (partisans du clan des premiers ministres Shinawatra), dans les antichambres de la pagode royale de Bangkok se jouait déjà une guerre de succession alors que Bhumibol Adulyadej agonisait lentement. C’est d’ailleurs à la reine-mère Sirikit que l’on doit d’avoir sécurisé la montée sur le trône de son fils en lieu et place de sa sœur cadette, la princesse Maha Chakri Sirindhorn, très populaire dans le pays.
Depuis 1932, le royaume a connu pas moins d’une quinzaine de coups d’état et le roi reste pour tous le garant de l’unité d’une monarchie, elle-même en proie à une rébellion armée organisée par la minorité musulmane, dans le sud du pays. Hors, il apparaît que l’intégralité du pouvoir a toujours été exercé par des militaires loyaux à la maison royale. La disparition mystérieuse « de la plaque de la révolution » qui commémorait la fin de la monarchie absolue a été perçue comme un retour à l’ancien régime par les opposants à la junte, qui n’hésite pas non plus à envoyer ses sbires les pourchasser jusque dans les rues des grandes capitales européennes, y compris Paris.
La vie du nouveau roi est un vrai chaos. Marié 4 fois (la dernière fois, quelques jours avant son couronnement avec une hôtesse de l’air élevée subitement au rang d’officier), il a divorcé 3 fois. L’histoire de la princesse Srirasmi Akharaphongpreecha est un conte de fée qui a tourné à la sauce aigre-douce. C’est en 2005 à la naissance de son fils (le prince Dipangkorn Rasmijoti qui sert de prince héritier…pour l’instant car techniquement, le divorce de ses parents lui a fait perdre cette position), 4 ans après son mariage secret, que l’épouse du roi est sortie de l’ombre pour entrer dans la lumière. Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un souvenir parmi tant d’autres pour Rama X qui l’a fait effacer des registres, exiler et embastiller une grande partie de sa famille accusée de détournement de fonds. Elle-même a été répudiée pour extravagance, un comble quand on sait qu’une vidéo a circulé en 2007 où on avait aperçu la princesse à demi-nue allongée sur le sol avec son époux dans le même appareil afin de partager tous deux le gâteau d’anniversaire de leur chien « Foo-Foo », devenu par décision princière, « maréchal du royaume ». Diffusée sur les réseaux sociaux, elle avait été rapidement interdite et quiconque avait tenté de la partager, s’était rapidement retrouvé dans les geôles de la monarchie pour avoir commis un crime de lèse-majesté.
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En Thaïlande, on ne badine pas avec l’image du monarque et de la monarchie comme le précise l’article 112 du code pénal qui puni de 15 ans d’emprisonnement toutes personnes critiquant le souverain. Où son canidé princier. La personne du roi est sacrée et à son passage, on se prosterne genoux pliés, front sur le sol. Gare à qui ne respecterait pas cette consigne, les ultra-royalistes veillent au respect des traditions. Y compris en Europe. Le roi aime séjourner à l’Hilton de Munich. Le gouvernement avait exigé de la direction de l’hôtel que le personnel procède au même rituel de prosternation mais celle-ci s’y était opposée, non sans demander à ses employés de détourner leur regard au passage du souverain. La famille du roi est également astreinte à ce devoir. Sa sœur aînée, la princesse Ubolratana, a été promptement rappelée à l’ordre lorsqu’elle a tenté de se présenter au poste de première ministre aux dernières élections générales et à la tête d’un parti d’opposition, rapidement dissout (2019). Pardonnée par son roi, elle a du faire toutefois amende honorable, en se traînant à ses pieds jusqu’au trône, pour implorer sa clémence.
A la tête d’une vraie fortune qui se chiffre en milliards de dollars, faisant du roi de Thaïlande, l’un des personnages le plus fortuné du monde selon le magazine Forbes, c’est le monarque qui gère lui-même ses dépenses et qui n’a d’ailleurs aucune obligation de reverser quoi que ce soit au budget de la couronne. En 2017, Rama X a fait voter une loi qui lui accorde désormais le contrôle total sur le « Crown property bureau » qui gérait jusqu’ici, avec le ministère des finances, le trésor royal. Et de devenir le premier actionnaire de la Siam Commercial Bank. A peine sur le trône, il a profité pour faire le ménage autour de lui. Exit les proches de son père, certains ont même disparu ou relégué dans un lieu tenu secret. Il a également multiplié le nombre de policiers chargés de sa protection et divisé l’armée pour mieux la contrôler, entouré de fidèles comme le général Apirat Kongsompong, nommé à la tête du corps des « Gardes du roi ».
C’est donc en toute tranquillité que Rama X peut jouir de son nouveau statut et diriger son pays depuis l’Allemagne ou la Suisse en toute majesté et excentricité. Toute la question est de savoir désormais, combien de temps les thaïlandais accepteront ce qui ressemble plus que jamais à une dictature monarchique.
Soutenu par les milieux affairistes et l’aristocratie, censé pourtant être un arbitre au-dessus de la mêlée, il n’a pas hésité à donner publiquement des consignes de votes et exhorté ses sujets à « voter pour les bonnes personnes afin d’empêcher l’anarchie » de s’installer dans le pays des éléphants. Et le général Prayut Chan-O-Cha d’être reconduit par décret royal à la tête du gouvernement après des résultats électoraux plus que controversés.
C’est donc en toute tranquillité que Rama X peut jouir de son nouveau statut et diriger son pays depuis l’Allemagne ou la Suisse en toute majesté et excentricité. En effet, la nouvelle constitution n’impose-t-elle pas désormais au gouvernement que toutes décisions prises soient contre-validées par la signature du roi ? Toute la question est de savoir désormais, combien de temps les thaïlandais accepteront ce qui ressemble plus que jamais à une dictature monarchique où le sens du mot démocratie a été relégué aux oubliettes de l’histoire.
Frédéric de Natal
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