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La sortie du film « Joker » a ému un grand nombre de journalistes et ravi, pour les mêmes raisons, un grand nombre de spectateurs. Quand les premiers dénoncent l’apologie de la violence pour régler ses problèmes, les seconds y voit une forme de catharsis de moins en moins présente dans leur quotidien.
Résultat d’une longue tradition humaine visant à éviter la guerre du tous contre tous, les sacrifices (humains puis animaux), les jeux d’arènes, les corridas, avaient pour rôle de contenir la violence dans l’animal tué par le matador quel qu’il soit. Le cinéma, dans une moindre mesure, a aussi tenu ce rôle. Voir des meurtres et des excès à l’écran a empêché nombre de potentiels détraqués de passer à l’acte.
La fin de l’art cinématographique
Oui mais voilà, le cinéma, en tant qu’art de masse, a subi en premier le poids du politiquement correct. Le manichéisme d’Hollywood et ses gentils trop gentils face aux méchants trop méchants mais que l’on se doit d’excuser, s’est allié avec le cinéma du politiquement correct à la française. Fini les bastons des années 80, terminées les relations complexes entre des rôles secondaires qui faisaient toute la richesse de la période audiardesque. Le spectateur devra consommer, en masse, des films proposant un message politique convenu et non un discours artistique.
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Si les plateformes comme Netflix semblent s’en détacher, parfois dans des excès violents gratuits, ils utilisent ce retour de la forme créatrice comme prétexte au message politique, mais dans son étape supérieur. Éloge du métissage, promotion des mouvements LGBTP (etc.), repentance occidentale face à la force de l’Opprimé, les cerveaux de BHL et Attali y sont résumés et concrétisés. Quand le codes Hays obligeait les auteurs et réalisateurs à plus de créations pour contourner la censure, le politiquement correct sans code enferme les artistes dans des cases et des chartes à respecter. Du 7ème art, le cinéma est devenu le 1er art de manipuler.
Le retour de l’archaïque
Si cette méthode pouvait convenir dans une période de paix relative et de progrès économique, il n’est plus adapté au monde moderne. Alors, entre besoin de catharsis et de divertissement, une perle va surgir et tout réveiller, tout révéler. « Joker » s’inscrit dans cette logique. Le jeune spectateur va s’identifier dès le premier plan sur un Joachim Phoenix des grands soirs. Celui-ci se maquille, comme la jeunesse porte son masque clownesque dans ses storys instagram, Joker se regarde dans le miroir, dessine son sourire au crayon et verse une larme de réalité. Plongé dans la folie du personnage principal, et malgré les attributs d’une période qui n’est pas la nôtre, le spectateur le sait, c’est de son monde d’aujourd’hui et maintenant dont il est question.
Nous avions les gilets jaunes, mais demain la couleur brandie par la masse pourrait être bien moins potache. Et quoi de mieux qu’un masque arborant le sourire pour conférer à la violence son rôle véritable ? Celui de refaire peuple, de refaire culture, de refaire communauté. Si les journalistes officiels étaient si désarçonnés par la violence de ce film, c’est parce qu’ils savent qu’elle est possible, et pour certains nécessaire.
Violence, guerres ethniques, travail difficile qui ne paye pas, violence du tous contre tous. C’est le retour de l’archaïque prévu par René Girard, celui de la crise sacrificielle. Le grain de l’image, les couleurs, et les mouvements de caméra utilisés par Todd Phillips, tout est pensé en ce sens. Dans un monde d’indifférenciation généralisée, le corps social va sans cesse chercher les différences qui lui permette de se penser encore en vie. Ainsi, vont naître entre les individus de véritables rivalités mimétiques et l’odeur du sang n’est pas loin. Pour se sortir de ce piège d’autodestruction, la communauté va devoir se trouver un bouc émissaire. Quelqu’un d’assez proche, tout en étant différent, pour le sacrifier et se souder. Refaire corps contre le corps de la victime. Et si l’on pouvait rire un bon coup par la même occasion ?
Le clown émissaire
Quand les jeunes volent la pancarte du clown ils annoncent la préparation de ce bouc émissaire. En le tabassant dans une ruelle, il enclenche sa réalisation. Après nous avoir fait manger la pilule de la compassion en nous révélant la vie tragique du personnage de clown raté de Fleck, il va falloir nous le rendre un peu détestable. Ainsi, après son premier acte violent dans le train face aux riches, c’est la figure du pauvre qui ressort. Le clown devient le symbole émissaire parfait, assez fou pour nous paraître dangereux, mais assez pauvres et victimes pour pouvoir le comprendre. Les masques de clowns portés par les gens et les manifestations anti-riches seront les attributs de cette indifférenciation.
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Nous avions les gilets jaunes, mais demain la couleur brandie par la masse pourrait être bien moins potache. Et quoi de mieux qu’un masque arborant le sourire pour conférer à la violence son rôle véritable ? Celui de refaire peuple, de refaire culture, de refaire communauté. Si les journalistes officiels étaient si désarçonnés par la violence de ce film, c’est parce qu’ils savent qu’elle est possible, et pour certains nécessaire. Le dernier plan du film sera révélateur, c’est bien le sang de la victime qui redonnera le sourire à ce personnage devenu, en 2 heures, le nouveau bourreau du monde moderne, cette farce. Le miroir ne donne plus le reflet du clown triste, mais du clown triomphant sur la foule assoiffée. Et si la violence nous jouait un mauvais tour ?
Sylvain Durain
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