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« Liberté pour l’école » est la nouvelle initiative lancée par Anne Coffinier. Elle revient pour nos lecteurs sur ses objectifs et ambitions, toujours mue par son désir d’aider à une meilleure instruction des enfants de France.
Vous avez annoncé vouloir monter une nouvelle initiative pour défendre la liberté scolaire. En quoi celle-ci est-elle attaquée aujourd’hui ?
La liberté d’enseignement fait partie du bloc constitutionnel depuis 1977. C’est heureux, mais sa déclinaison pratique laisse à désirer. Quand des parents n’ont pas de moyens financiers suffisants, ils ne peuvent pas choisir l’école de leurs enfants. La liberté d’enseignement, c’est donc pour les autres.
La liberté d’enseignement pour les professeurs ne se porte pas tellement mieux. Quand on est professeur à l’école publique ou sous contrat, on ne peut pas toujours choisir les textes qu’on fait étudier. On doit se battre avec l’administration qui complique plus qu’elle n’aide les professeurs dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, notamment en matière d’autorité. Que reste-t-il de la liberté professionnelle de l’enseignant, s’il reçoit constamment des circulaires de la rue de Grenelle qui prétendent faire de lui un exécutant? S’il doit faire passer d’une classe sur l’autre des enfants qui n’ont pas le niveau? S’il ne peut pas insister sur les connaissances fondamentales parce qu’il faut aborder un nombre toujours plus important de sujets à la mode? La perte d’attractivité du métier de professeur découle plus encore de la réduction des libertés professionnelles que de sa rémunération pourtant manifestement insuffisante. Il ne faut pas s’étonner de la désertion des meilleurs, dans un tel contexte.
Les parents ont un rôle éminent à jouer, mais ils ne peuvent pas réussir l’éducation de leurs enfants si le reste de la société la déconstruit. L’exemple des réseaux sociaux est emblématique. Ni la famille ni l’école ne peut plus être un sanctuaire, alors qu’ils s’invitent de partout.
Il me semble qu’on peut redynamiser l’éducation en France en tirant plus parti de notre précieuse liberté constitutionnelle d’enseignement. Dépassons nos habitudes de pensée pour voir la formation d’un enfant comme un processus au long cours, préparant l’apprentissage tout au long de la vie, nécessitant la mobilisation de l’enfant lui-même, recourant à des tuteurs et des maîtres qui peuvent appartenir à des institutions variées. Une telle mutation n’est réaliste que si toute la société se mobilise de manière solidaire pour réussir la transition éducative. Les parents ont un rôle éminent à jouer, mais ils ne peuvent pas réussir l’éducation de leurs enfants si le reste de la société la déconstruit. L’exemple des réseaux sociaux est emblématique. Ni la famille ni l’école ne peut plus être un sanctuaire, alors qu’ils s’invitent de partout. Comme pour la transition écologique, c’est d’une mobilisation solidaire de l’ensemble des acteurs éducatifs dont nos enfants ont besoin. Dans ce contexte, la question de la scolarisation à titre principal dans une école publique ou privée perd de son acuité.
Au regard des nouvelles conditions de vie et des défis actuels, il parait crucial et urgent de faciliter l’émergence de nouvelles solutions éducatives. La société civile porte en elle de grandes capacités d’innovation, pour peu que l’Etat y fasse meilleur accueil. En Grande- Bretagne, à travers les Free schools et les Academies, l’Etat encourage ceux qui ont « réussi dans la vie » à s’engager pour l’éducation, en parrainant l’établissement. Cette « réussite » ne se limite pas à la réussite financière. Elle inclut aussi des réussites sportives, académiques ou culturelles.
La crispation française sur un paysage institutionnel découlant de la IIIème République n’est pas souhaitable. Nous devons aujourd’hui inventer des modalités éducatives qui prennent en compte l’effondrement des certitudes collectives. Dans les écoles indépendantes, on peut faire des ilots académiquement performants pour transmettre encore la culture classique antique. Mais ce n’est pas une réponse suffisante à l’échelle de la société, tant qu’il n’y a pas de financement public-privé pour les ouvrir à tous ceux qui souhaitent y scolariser leurs enfants.
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Vous considérez que la promotion du chèque scolaire n’est plus opérationnelle aujourd’hui. Pourquoi ? Et par quels outils souhaitez-vous le remplacer ?
Le chèque éducation est, dans son principe, excellent. C’est un outil, conçu en France par Alain Madelin, qui donne à tous les parents les moyens d’inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. Mesure sociale par excellence, elle responsabilise en premier lieu les familles, en leur ouvrant le champ des possibles, et en second lieu l’Etat qui doit lui aussi adapter son service.
En revanche, cet outil est actuellement dépassé, parce que l’éducation ne passe pas que par le fait d’étudier dans un bon établissement scolaire payant durant l’année scolaire, ou la période de la formation initiale. L’éducation fait sa mue, tout comme les paramètres technologiques, scientifiques, sociologiques, économiques, qui sont en perpétuel mouvement. La séparation entre l’instruction initiale et l’instruction continue s’estompe.
Notre système éducatif est scandaleusement inégalitaire. Il le sera encore plus demain, si on n’adapte pas le type de financement de l’éducation en France. La fracture entre ceux qui peuvent payer une éducation choisie à leurs enfants et ceux qui ne le peuvent pas va s’agrandir jusqu’à devenir insupportable.
Notre outil de financement doit permettre aussi d’allier, pour un même enfant, éducation institutionnelle de masse et éducation individuelle personnalisée. La préparation de certifications précises comme les concours Kangourou, Anamath, le Big Challenge etc… sont autant de moyens d’apprendre qu’il faut désormais envisager dans les cursus des uns et des autres, sans compter la généralisation d’un semestre minimum à l’étranger pour tous les jeunes aujourd’hui. Les outils modernes de garantie de la liberté d’enseignement doivent financer cette pluralité d’usages éducatifs. Les nouveaux outils de financement doivent en effet permettre à chaque enfant de bénéficier d’un parcours d’apprentissage choisi.
Notre système éducatif est scandaleusement inégalitaire. Il le sera encore plus demain, si on n’adapte pas le type de financement de l’éducation en France. La fracture entre ceux qui peuvent payer une éducation choisie à leurs enfants et ceux qui ne le peuvent pas va s’agrandir jusqu’à devenir insupportable.
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La liberté scolaire doit-elle comporter des garde-fous pour empêcher la profusion d’écoles coraniques dans certains quartiers ? Comment peut-elle s’articuler avec la lutte contre le communautarisme ?
Vous posez LA question essentielle. La contrepartie de la liberté est toujours la responsabilité. Il faut rendre des comptes de l’usage qu’on fait de sa liberté, accepter les contrôles et les évaluations, ce qui suppose des corps de contrôle qui inspectent sans a priori, en toute transparence, sur la base de critères partagés, connus de tous et qui respectent la variété des approches éducatives, pour autant qu’elles sont performantes, sans prétendre les aligner sur ou les évaluer à partir de celle de l’Education nationale. Aujourd’hui, nous ne disposons pas de standards d’évaluation connus, reconnus et qui aient fait l’objet d’une appropriation par les différentes parties (Education nationale et acteurs éducatifs du hors contrat). C’est pourquoi les inspections sont un sujet si délicat en France.
Se pose ensuite la question de l’enchantement. Or, l’école n’enchante plus les élèves. L’école publique de Jules Ferry a déployé des moyens considérables pour remplacer l’Eglise dans le cœur des Français. L’Education nationale aujourd’hui semble nager, quant à elle, en plein doute. Elle n’arrive plus à galvaniser ni ses professeurs, ni ses élèves. Etre bon à l’école ne constitue pas la garantie d’être respecté ou d’être riche. C’est dans ce flottement là qu’il faut considérer la question de la liberté scolaire, à l’heure où les élites professent la nécessité de la mixité sociale, tout en prenant soin d’inscrire leurs enfants à l’école privée, dans des clubs éducatifs triés sur le volet, et même dans de prestigieux établissements à l’étranger… Or, si on prétend agir pour l’école, il faut d’abord accepter d’agir pour tous les enfants. Il faut consentir, aussi, à penser l’identité de la France, de la Nation. Là où la société est désorientée, l’école doit indiquer le chemin.
Face à l’essor de communautarisme de haine et de rejet, affirmons une éducation d’ouverture et de conquête. Il n’y a pas d’éducation sans communauté d’esprit, sans une vision commune de ce qui fait sens dans la vie. Voilà pourquoi le projet d’établissement est fondamental.
Quant au communautarisme et à la peur que le développement des écoles indépendantes le nourrisse, il faut rappeler que le communautarisme prospère en France depuis des années déjà, alors que les écoles indépendantes scolarisent moins d’1% des enfants de France. Il gangrène déjà considérablement l’école publique. Ce n’est pas en freinant la croissance des écoles indépendantes qu’on le refera reculer. Le rôle des instances de régulation du hors contrat doit être de veiller à ce que les écoles indépendantes déclarent honnêtement leurs buts, leurs méthodes, qu’elles aient des professeurs compétents, qu’elles soient effectivement ouvertes à toute personne intéressée par leur projet et qu’elles communiquent leurs résultats académiques et aussi ce que deviennent leurs anciens. Face à l’essor de communautarisme de haine et de rejet, affirmons une éducation d’ouverture et de conquête. Il n’y a pas d’éducation sans communauté d’esprit, sans une vision commune de ce qui fait sens dans la vie. Voilà pourquoi le projet d’établissement est fondamental. Les Britanniques l’ont bien compris, eux qui valorisent le sens de la « communauté scolaire ». En un mot, non au communautarisme de repli, oui à la communauté d’esprit et de vision nécessaire à l’éducation des enfants dans une atmosphère propice à leur épanouissement.
Un mot, pour finir, sur les écoles coraniques. Commençons là aussi par dire un mot du vocabulaire employé. Les écoles coraniques sont des centres d’instruction religieux, où on apprend la pratique-même de la religion musulmane. S’agissant des écoles musulmanes, le droit français leur donne le droit d’exister, au même titre que les écoles catholiques, protestantes ou juives. L’Etat finance sans complexe les plus grosses, qui sont sous contrat d’association, alors même qu’elles relèvent ouvertement de la mouvance des Frères musulmans. Je pense à Averroès ou à Al Kindi. L’argent des contribuables doit-il financer des écoles où les frères Tariq et Hani Ramadan étaient les bienvenus ? Il est absurde de restreindre les créations de toutes les nouvelles écoles libres en France ou l’essor de l’éducation à la maison, sous prétexte qu’on a peur du communautarisme islamique, mais qu’on n’a pas le courage de nommer les problèmes et de les traiter au niveau où ils se posent. Ce niveau n’est pas celui des écoles. C’est un niveau de politique générale, qui doit distinguer les formes d’Islam que notre République française est prête à accepter de celles qu’elles considèrent comme incompatibles avec l’idéal de vie français.
Propos recueillis par Jacques de Guillebon
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